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La méfiance laisse place à la tolérance

À l’école maternelle Paul Langevin, Agnès Knipper, directrice de l’établissement, tente de dédramatiser. "J’ai eu des parents inquiets. Mais maintenant plus rien. Ça fait partie du paysage. Moi ça ne me choque pas, il y a des gens sains d’esprit qui me font bien plus peur." Au cours des années 2010, de multiples réunions publiques ont été organisées avec les habitants, les parents d’élèves et les commerçants. Des médecins et du personnel du futur EPSAN ont déconstruit les clichés sur les maladies mentales et rassuré les Cronenbourgeois. Ces efforts portent aujourd’hui leurs fruits, notamment auprès des enseignants. "Les patients ne représentent aucun danger. On a même été prévenus qu’on pourrait être amenés à scolariser des enfants de l’EPSAN si besoin", explique Nathalie Amann.

Le 28 octobre, l’association Les Disciples a débuté son “action de Noël”, une visite et un recensement des enfants chez eux, en vue de leur offrir des cadeaux en décembre. L’occasion d’entrer dans le quotidien de familles modestes.

© David Darloy et Julien Lecot

Érigé en plein milieu d’une zone résidentielle, l’EPSAN suscite de fortes inquiétudes dues à sa proximité directe avec trois écoles primaires. "On peut reconnaître les patients avec leurs bracelets bleus. Ils sont souvent près de l’arrêt de bus de la ligne G", confirme Karim Ghodbane, 25 ans, qui a grandi à Cronenbourg. "Des fois, il y a des embrouilles avec les dealers de drogue du quartier." Un autre habitant, fortement investi dans la vie du quartier, fulmine : "Vous voyez les fous se balader dans les rues toute la journée. C’est n’importe quoi pour la sécurité des habitants." Le responsable d’Emmaüs Cronenbourg, raconte lui avoir vu un patient "tourner autour d’un couple en les fixant". Pour Daniel Malem, éducateur spécialisé dans le quartier depuis une vingtaine d’année : "C’est n’importe quoi ! Il ne se passe jamais rien avec les pensionnaires de l’EPSAN." 

Quel rôle jouez-vous auprès des personnes en insertion, en tant qu’accompagnateur socio-professionnel ? 

Je suis le Monsieur social dans la maison. Les accompagnateurs socio-professionnel aident les personnes à résoudre leurs problèmes : endettement, santé, logement, etc. On parle aussi de savoir-être. Savoir se présenter chez un client, représenter son entreprise, gérer son stress, ça s’apprend.

Je ne suis ni psychiatre, ni psychologue, mon boulot c’est d’aider les personnes pour qu’elles vident leur sac, de les remotiver, de mettre en évidence leurs compétences. Je ne suis pas là pour taper sur la table. Mon idée c’est de rendre les gens actifs face à leur avenir. 

Quand les gens sont en insertion professionnelle ici, ils sont totalement libres du choix de leur projet professionnel. Nous ne sommes pas là pour imposer une formation à la personne. Le but d’un accompagnateur socio-professionnel est de vérifier la pertinence de ce projet et d’aider les personnes à le monter.

Marie Vancaeckenbergh, Myriam Mannhart et Juliette Mylle

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© Lucas Lassalle

Un marché immobilier dynamique

Les cas de Camille et d’Anne-Sophie témoignent de la tendance au rajeunissement de la population dans le Vieux-Cronenbourg. Frédéric Perrin, agent immobilier à l’agence Orpi sur la route d’Oberhausbergen, souligne que le marché des studios et deux-pièces y est en pleine explosion. Selon lui, le profil type des nouveaux arrivants est celui de couples citadins primo-accédants avec enfant. Le rythme des arrivées de nouveaux propriétaires à Cronenbourg est parallèle à celui des départs des personnes âgées qui se sont installées dans les années 1960 et 1970. "On n’a pas forcément de mouvements campagne-ville ou ville-campagne, on est plus sur un profil de citadin, d’un locataire qui au vu des taux d'intérêt, peut se dire que pour le même montant que son loyer il peut devenir propriétaire", explique l’agent. Il prédit que d’ici cinq à dix ans, les jeunes couples seront majoritaires dans le Vieux-Cronenbourg. Mais, selon lui, ce phénomène n’est pas une spécificité du quartier. "Il y a une tendance générale sur Strasbourg où le prix au m² a augmenté : il est passé de 2400 euros l’année dernière à 3000 euros aujourd’hui ». Pour le spécialiste de l’immobilier, le Vieux-Cronenbourg est "le prochain Neudorf" : d’ici quelques années, il sera un quartier d’actifs, huppé et demandé. 

Il est vrai que le contexte économique est favorable aux acheteurs qui souhaitent louer : la loi Pinel de 2015 permet à des investisseurs de bénéficier d’abattements fiscaux s’ils mettent en location un bien rénové. Dans le Vieux-Cronenbourg, ces investisseurs sont nombreux et les biens en location se multiplient, rendant le marché de l’immobilier dynamique. À l’agence de Frédéric Perrin, trois à quatre personnes se présentent chaque jour, en quête d’un bien en location. "Il y a un turnover sur la location aujourd’hui", explique-t-il. Selon lui, Strasbourg fait partie du "top 10 France" des villes où l’immobilier est le plus actif. La métropole est classée en "zone tendue" : pour les locataires, un seul mois de préavis est nécessaire avant de quitter leur appartement. Les propriétaires sont quasiment assurés de rapidement trouver un autre occupant.

Pendant ses recherches, Camille a constaté l’effervescence du marché : "On voit des biens immobiliers se vendre en deux jours !"C'est maintenant qu'il faut acheter." Une émulation qui donne confiance à Anne-Sophie pour la revente de son propre appartement. Acheté 120 000 euros il y a cinq ans, elle espère pouvoir le céder aux alentours de 150 000 euros. 

Plus calme qu'au centre ville

Le Vieux-Cronenbourg bénéficie de sa proximité avec le centre-ville de Strasbourg. Des considérations personnelles comme les durées de trajet entre la résidence et le travail ou l’école prévalent sur les spécificités de l'immobilier local (charme de l’ancien, hauteur sous plafond plus élevée, volumes importants…). La piste cyclable, les transports en commun (tram et bus) ont boosté l’attrait du quartier qui n’est plus qu’à quelques minutes du centre-ville. 

"On est venus ici pour être proches de la gare", explique Camille. Elle et son compagnon souhaitaient vivre en périphérie de Strasbourg, dans un quartier "plus au calme que le centre-ville". Pour se rendre sur leur lieu de travail, tous deux empruntent les transports en commun. Elle prend le tram chaque jour à Rotonde, à cinq minutes à pied de chez elle, pour se rendre à Neudorf. Lui travaille comme professeur documentaliste à Lauterbourg et s’y rend en train via la gare centrale qu’il rejoint aussi en tram. 

Également accessible en quelques coups de pédales depuis le centre, le quartier a, pour Anne-Sophie, "de moins en moins d’inconvénients" maintenant qu’il est désenclavé. Si son concubin était ouvert à l’idée de quitter le Vieux-Cronenbourg, celle-ci se plaît à dire qu’elle "a gagné" en décidant son compagnon de rester dans ce quartier à "l’esprit un peu village"

Les rumeurs vont bon train

Érigé en plein milieu d’une zone résidentielle, l’EPSAN suscite de fortes inquiétudes dues à sa proximité directe avec trois écoles primaires. "On peut reconnaître les patients avec leurs bracelets bleus. Ils sont souvent près de l’arrêt de bus de la ligne G, confirme Karim G., 25 ans, qui a grandi à Cronenbourg. Des fois, il y a des embrouilles avec les dealers de drogue du quartier." Un autre habitant, fortement investi dans la vie du quartier, fulmine : "Vous voyez les fous se balader dans les rues toute la journée. C’est n’importe quoi pour la sécurité des habitants." Le responsable d’Emmaüs Cronenbourg, raconte lui avoir vu un patient "tourner autour d’un couple en les fixant". Pour Daniel Malem, éducateur spécialisé dans le quartier depuis une vingtaine d’année : "C’est n’importe quoi ! Il ne se passe jamais rien avec les pensionnaires de l’EPSAN." 

Ce sont des discussions sur le groupe Facebook “les voisins du Vieux-Cronenbourg” qui ont permis à une bande d'amis de concrétiser leur volonté commune de “redynamiser le secteur pour le rendre plus convivial, plus écolo et plus sympathique”. Depuis, pique-niques géants, trocs d’objets et rencontres rythment la vie du quartier. 

“J’aime montrer aux gens qu’on peut être acteur de son quartier, sourit la trésorière Agnieszka Koziol, 39 ans. Vers janvier, je souhaiterais par exemple mettre en place des ateliers zéro déchet, des ateliers 'do it yourself' à très bas tarif pour qu’un large public y ait accès. Je voudrais aller chercher tout le monde, les personnes âgées isolées, les gens sans enfant, sans emploi, qu’il n’y ait pas qu’un seul profil dans l’association.” 

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Au Marché Gare, en face du bureau de Novea 67© Myriam Mannhart

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