L'inflation française est passée dans le négatif, à -0,4%. Le pays rejoint son voisin allemand ainsi que d'autres pays de la zone euro qui font face à la déflation. (Photos Flickr / c-reel.com)
En janvier, le pays a fait face à une baisse générale des prix de 0,4 %, par rapport à janvier 2014, indique jeudi l'Insee. Une situation toutefois pas nouvelle dans la zone euro.
La déflation pointe le bout de son nez en France. Le prix du panier de la ménagère diminue. L'indice des prix à la consommation, calculé à partir d'un ensemble de produits achetés par les ménages quotidiennement, n'avait pas connu de diminution depuis octobre 2009. En janvier, il atteint -0,4 %. Pourquoi ? Avant tout, à cause de la réduction du prix du pétrole et des autres sources d'énergie (-7,1%). La baisse du prix des produits manufacturés (-1,4 % sur un an) et des soldes d'hiver (-1 % entre décembre et janvier) n'ont quant à eux, rien amélioré.
Est-ce une bonne nouvelle ? A court terme, oui. En général, la baisse des prix augmente le pouvoir d'achat des ménages. Avec le même montant en poche, ils peuvent acheter plus de biens et de services. En revanche, si la situation perdure, les consommateurs repoussent leurs dépenses car ils anticipent que les prix continueront à baisser.
L'inflation et la déflation pour les nuls, selon la BCE.
On entre alors dans un cercle vicieux. Les entreprises vendent moins, donc décident de moins investir et peuvent aller jusqu'à réduire les salaires, voire licencier. L'effet domino se poursuit. Le pouvoir d'achat des ménages baisse, leur demande avec, et ainsi de suite. Même épargner n'est plus rémunérateur. Prenons pour exemple le livret A, le placement refuge favori des Français. Son taux d'intérêt est indexé sur le taux d'inflation. Si l'un baisse, l'autre aussi. C'est pour cela que le gouvernement a choisi de maintenir le taux du livret à 1 %, alors qu'il aurait dû passer à 0,75 % le 1er février.
En parallèle, les actions d'entreprises sont de moins en moins attractives pour les investisseurs. En effet, leur cours en bourse dépend du résultat de la société, qui s'effrite en raison de la baisse des prix. Par ailleurs, l'endettement devient plus lourd, aussi bien pour les entreprises que pour les ménages. Le taux d'intérêt auquel un agent économique s'endette reste fixe alors que ses revenus permettant de rembourser sa dette diminuent. L'agent s'étouffe progressivement.
Sommes-nous entrés dans une spirale déflationniste ? Peut-être, mais une lueur d'espoir subsiste. Les prix de l'énergie et des matières premières importées, réputés volatils, se sont effondrés. Ce qui gonfle artificiellement la déflation. Donc si on ne prend pas en compte la variation du prix du pétrole ou même du cuivre, les prix n'ont en réalité pas baissé, mais augmenté. Même s'il s'agit d'une très faible hausse : 0,2 % selon l'Insee. Lorsque les prix augmentent de façon générale on parle alors d'inflation, et plus précisément d'inflation "sous-jacente" lorsque les prix volatils sont retirés du calcul.
Pour l'instant, la baisse du prix de ces produits importés est "un ballon d'oxygène pour la France, estime Véronique Riches-Flores, du cabinet d'analyse économique Riches-Flores. A court terme, les entreprises pourront profiter de la baisse du cours du pétrole et de la faiblesse de l'euro, mais aussi utiliser leur marge". Mais si la situation perdure, la déflation aurait pour conséquence "de figer les comportements", ajoute-t-elle. Cependant, "il est difficile d'anticiper la façon dont l'économie française réagira dans les prochains mois."
La France, une exception dans la zone euro ? Non, cela fait plusieurs mois que la zone euro est victime de la déflation ou en moindre mesure, du ralentissement de l'inflation. Selon Eurostat, l'inflation est passée de 2,5 % en 2012, à 0,4 % en 2014. Bien loin de l'objectif de la Banque centrale européenne (BCE), fixé à 2 %. Mais certains pays membres flirtent déjà avec l'inflation négative. C'est le cas de l'Espagne, la Grèce et le Portugal. L'Allemagne a passé, comme la France, le cap de la déflation, avec un indice des prix négatif, estimé à -0,3 % en janvier.
Quant à la BCE, elle a fait de la déflation son ennemi numéro 1, suite à sa politique de taux bas censé dynamiser l'emprunt et la consommation, et de rachat massif de dette publique ayant pour but de soulager les Etats membres. Mais pour que la sauce prenne, encore faut-il que "l'activité s 'améliore, pour donner aux agents l'envie de s'endetter et aux banques de prêter, insiste Véronique Riches-Flores. Une réponse des pouvoirs publics est à prévoir".
Julien Pruvost