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16/02/15
19:05

Avec "Taxi", Jafar Panahi nargue la censure iranienne

Le film du réalisateur dissident iranien Jafar Panahi a été récompensé dimanche par l’Ours d’or à la Berlinale. Un choix politique et artistique pour le jury, car Taxi marque les esprits par sa réalisation et ses réflexions sur le septième art.

Un seul nom apparaît au générique de Taxi, celui du réalisateur, Jafar Panahi. Crise de mégalomanie? Pas vraiment. Un moyen, pour le cinéaste iranien qui a réalisé son film clandestinement, de protéger ses collaborateurs. En 2010, Jafar Panahi est arrêté alors qu’il prépare un film sur les manifestations contre la réélection du président iranien, Mahmoud Amadinejad. Condamné à 6 ans de prison, il lui est interdit de filmer et de quitter son pays pendant 20 ans.

Mais, bénéficiant d’une semi-liberté, Jafar Panahi continue de tourner. Depuis sa condamnation, il a réalisé trois films, deux longs métrages et un court, souvent avec les moyens du bord: certaines scène de Ceci n’est pas un film ont été tournée avec un smartphone. “Rien ne peut m’empêcher de faire des films, et lorsque je me retrouve acculé, malgré toutes les contraintes, la nécessité de créer devient encore plus pressante, écrit-il dans un texte publié le 26 janvier dernier dans la revue Screen. Le cinéma comme art est ce qui m’importe le plus. C’est pourquoi je dois continuer à filmer, quelles que soient les circonstances, pour respecter ce en quoi je crois et me sentir vivant."

Si Taxi, présenté lors de cette 65ème Berlinale, a peut-être remporté l’Ours d’or pour des raisons politiques, les jurés ont mis en avant ses qualités artistiques. C’est ce qu’a souligné le président du jury, Darren Aronofsky:  “Les contraintes obligent souvent les conteurs à faire du meilleur travail, mais ces limites peuvent parfois être si oppressantes qu’elles détruisent un projet ou abîment l’âme de l’artiste, a déclaré le président du jury, Darren Aronofsky. Plutôt que de laisser détruire son esprit et d’abandonner, plutôt que de se laisser envahir par la colère et la frustration, Jafar Panahi a écrit une lettre d’amour au cinéma.”

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Interdit de quitter l'Iran, Jafar Panahi n'a pas pu aller chercher son prix. (AFP photo/ Odd Andersen)

 

Le cinéma au coeur du film

Interprétant lui même un chauffeur de taxi, Jafar Panahi circule dans les rues de Téhéran. Une caméra fixée sur le tableau de bord filme les échanges entre le chauffeur amateur et les différents clients qui montent dans son véhicule. Les discussions tournent autour de la politique et… du cinéma.

Les critiques, enthousiastes, soulignent la réflexion sur le septième art qui court tout au long du film. Pour Le Monde, Taxi opère une “mise en abîme” de l’art cinématographique. “Virtuose du cinéma cloué au volant de son taxi, Jafar Panahi semble à la fois s’amuser en même temps qu’il réfléchit au sens de ces images produites à partir de l’habitacle”.  Le journal relate une scène dans laquelle la nièce du cinéaste doit réaliser une vidéo pour l’école. Assise à l’arrière de la voiture, la gamine filme son oncle avec un appareil photo. S’ensuit un dialogue sur les règles du bon goût au cinéma, édictées par les mollahs. Une scène qui a également marqué Télérama : “C'est la nature des images, et leur vérité, que le film questionne sans cesse”. Selon Libération, le cinéaste évoque aussi sa propre condition. En campant un personnage cloîtré dans son véhicule, Jafar Panahi continue à “pousser la logique d’enfermement dans la mise en scène”. Une thématique déjà présente dans son précédent opus, Ceci n’est pas un film, dans lequel il décrivait l’incapacité d’un cinéaste à filmer.

Au-delà de ces réflexions, les critiques s’accordent sur la drôlerie qui émane du film. Personnages cocasses et situations hilarantes pour Le Parisien, Panahi conduit Taxi du côté de la comédie, estime Télérama. Mais la fin, très sombre, le renvoie à son quotidien de réalisateur censuré. Depuis la remise du prix, le régime iranien n’a toujours pas fait de déclaration.

Caroline Sicard

 

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