Les praticiens sont en grève ce mardi 14 février. Alors que les négociations avec l’Assurance maladie sur les tarifs de consultation patinent, la pression monte avec l’arrivée au Sénat de la proposition de loi Rist.
Les médecins libéraux manifestaient à Paris ce mardi 14 février, du ministère de la Santé au Sénat. © ReAGJIR
Les cabinets médicaux sont à nouveau fermés. Après les grèves pendant les fêtes de Noël et le défilé du 5 janvier, la colère est montée d’un cran à l’occasion du début de l’examen de la loi Rist par le Sénat ce mardi 14 février. De nombreux cars ont convergé vers Paris, où les praticiens manifestent pour s’opposer à ce texte, proposant un accès direct du patient aux kinésithérapeutes, orthophonistes et infirmiers sans passer par le médecin traitant, et pour réclamer des hausses de tarifs.
L’accès direct aux paramédicaux remis en cause
Les syndicats s’étaient donné rendez-vous près du ministère de la Santé à Paris pour manifester contre la proposition de loi Rist. Unanimes sur ce texte, ils dénoncent un « démantèlement de la médecine en France » et d’une « destruction de notre système de santé ». Soutenus par l’Ordre des médecins, ils accusent le texte de « mettre en danger la santé » de la population « en contournant la fonction de coordination du médecin traitant ».
Si ce texte est adopté, les patients pourraient se rendre chez les kinésithérapeutes, les orthophonistes et les infirmiers en pratique avancée exerçant dans des établissements de santé sans passer par un médecin. L’objectif ? « Lutter contre les déserts médicaux et améliorer l’accès aux soins », a plaidé la députée Renaissance Stéphanie Rist, provoquant l’ire des médecins libéraux.
« On réagit à la sous-démographie médicale. Le gouvernement a une vision court-termiste », s’insurge Pascal Charles, président du syndicat des médecins du Bas-Rhin. Selon lui, la solution pour un meilleur accès aux soins réside ailleurs : « Il faut diminuer la charge de travail administratif des médecins, notamment en supprimant les papiers que nous devons remplir. » Près de 50 syndicats et associations d’infirmiers, qui soutiennent la réforme, ont dénoncé une « opposition systématique à toute évolution des autres professions de santé ».
L’installation obligatoire dans les déserts médicaux
Autre raison de la colère : une proposition de loi visant à limiter la liberté d’installation des médecins et à les obliger à s’installer dans des déserts médicaux. Porté par Frédéric Valletoux, député du groupe Horizons, allié de la majorité, ce texte a finalement été retiré de l’ordre du jour de l’Assemblée nationale lundi, à la veille de l’appel à la grève.
« Le dialogue est bloqué », a reconnu le rapporteur de la proposition Frédéric Valletoux, qui prévoit de déposer un texte retravaillé d'ici un mois, malgré l’opposition du gouvernement. Dans un entretien au Monde, le ministre de la Santé François Braun a assuré rester « opposé à la coercition à l'installation » des médecins : « Pas par dogme, mais parce que ça ne marche pas. »
Les tarifs de consultations
Après des mois de négociations, l’Assurance maladie a proposé aux syndicats de faire passer le tarif de base de la consultation médicale de 25 à 26,50 euros. Très loin des 50 euros réclamés par le collectif “Médecins pour demain” lancé sur les réseaux sociaux, à l’origine de précédentes fermetures de cabinet début et fin décembre, cette hausse de 1,50 euro a été vécue comme une « provocation » par la profession.
Le directeur de l’Assurance maladie, Thomas Fatôme, a promis d’aller « plus loin » à l’occasion de nouvelles réunions avec les syndicats dès jeudi. Mais les négociations censées aboutir à la fin du mois achoppent aussi sur les contreparties demandées aux médecins. Ils devraient prendre plus de patients et assurer plus de gardes les soirs et les week-ends.
Des exigences assumées par le ministre de la Santé François Braun, qui dit entendre « la colère » des praticiens, « mais aussi celle des Français qui n’arrivent pas à trouver un médecin ». Les grandes organisations syndicales (MG France, CSMF), dont la signature sera incontournable pour renégocier la convention entre les médecins libéraux et la Sécurité sociale fin février, n'attendent pas moins de 30 euros.
Audrey Senecal
Édité par Amjad Allouchi
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Si la proposition de loi Rist, permettant l’accès direct aux paramédicaux, est décriée par les praticiens, l’article additionnel sur les rendez-vous annulés répond à une demande des médecins libéraux.
Les sénateurs ont adopté en commission un article additionnel à la proposition de loi Rist pour tenter de trouver une solution au problème des rendez-vous médicaux non honorés. Leur chiffre s’élèverait à 28 millions par an, selon les syndicats de médecins cités par la rapporteure Corinne Imbert (LR). La Caisse nationale d’Assurance maladie évoque un taux d'annulation de rendez-vous entre 3 et 4%.
Ce mécanisme, qui ouvrirait la voie à une pénalisation financière des patients faisant « faux bond sans raison légitime », répond à une demande des représentants des médecins. L'article additionnel modifie le code de la santé publique afin de prévoir que la convention médicale détermine les modalités et les conditions d'indemnisation du médecin. Elle devra aussi déterminer les conditions dans lesquelles les sommes versées sont mises à la charge du patient.
Le dispositif pourrait prendre la forme d'un recouvrement de la somme par la Caisse d'Assurance maladie sur des remboursements ultérieurs versés au patient au titre d'autres prestations, suggère la commission des Affaires sociales. Cette pénalisation « aurait ainsi un effet dissuasif et responsabilisant » et « permettrait de redonner du temps médical utile aux médecins », selon la rapporteure.
Mais pour les associations de patients, « l'idée d'une sanction financière est une mauvaise solution au problème ». France Assos Santé dénonce « une mesure absurde en matière de santé publique et en totale contradiction avec la réduction des inégalités sociales de santé ». Réclamant la « suppression pure et simple » de ce qu'elle qualifie de « taxe lapin », cette fédération déplore que le texte, porteur de « progrès concrets sur l'accès aux soins », ait été « scandaleusement raboté par les sénateurs en commission ».