En visite ce jeudi 10 février à Belfort, le Président de la République a présenté son plan de relance du nucléaire en France. Retour sur les principales annonces faites par le chef d'État.
Sur le site General Electric Steam Power de Belfort, Emmanuel Macron a annoncé la construction de six nouvelles centrales nucléaires. © Capture d'écran
1- « Reprendre la grande aventure du nucléaire civil en France »
Emmanuel Macron a acté la relance de l’atome en annonçant à Belfort la construction de six nouvelles centrales EPR et l'étude de la mise en chantier de huit autres avant 2050. Le président Macron, élu en 2017 sur son engagement de réduire à 50% la part du nucléaire dans le mix électrique français à l’horizon 2025 - repoussé à 2035 - a complètement revu son programme, à quelques mois de l’élection présidentielle. Il prévoit de « prolonger tous les réacteurs qui peuvent l’être », au-delà de 50 ans si possible. Une volte-face par rapport aux objectifs de 2018 d’en fermer une douzaine.
Le lancement des nouveaux EPR sera extrêmement coûteux : une cinquantaine de milliards d'euros. Dans un rapport présenté au gouvernement à la mi-janvier, EDF proposait de construire ces réacteurs plus sûrs et plus compétitifs par paires sur trois sites : d'abord à Penly (Seine-Maritime), puis à Gravelines (Nord) et enfin à Bugey (Ain) ou bien Tricastin (Drôme). Ces constructions ne vont pas sans poser question : l’EPR de Flamanville (Manche), dont la construction a commencé en 2007, ne devrait finalement voir le jour qu’en 2023… Après onze ans de retard et près de huit milliards d’euros de coûts supplémentaires. La faute à des défaillances en série.
Emmanuel Macron veut également développer les SMR, ces mini-réacteurs, encore au stade de projet sont moins complexes et devraient être plus rapides à produire que les réacteurs classiques. Un marché qui ne se développera qu’en 2035. En France, la part du nucléaire représente un peu plus de 70% de la production électrique. Avec 56 réacteurs répartis sur l’ensemble du territoire, l’atome est la première source de production et de consommation d'électricité du pays.
2- « Miser à la fois sur le renouvelable et le nucléaire »
Devant les journalistes, Emmanuel Macron a annoncé vouloir implanter cinquante parcs éoliens en mer d’ici à 2050, et doubler la puissance des structures terrestres. Louées par les écologistes mais honnies des riverains et de la droite, cette source d’énergie fait partie des investissements d’avenir défendus par le Président. Fidèle à lui-même sur ce sujet, le chef d'État fait le choix du « en même temps » : s’il reconnaît que l’énergie éolienne est nécessaire pour faire baisser la part du nucléaire dans la production d’électricité, il doute qu’elle puisse un jour supplanter l’atome : « Imagine-t-on une France où il y aura d'ici trente ans 40 000 éoliennes au lieu de 8 000 aujourd'hui et 90 parcs éoliens offshore quand notre pays a mis dix ans pour en faire un ? »
Si en 2019, la part du nucléaire dans la production d'électricité était proche des 70%, Emmanuel Macron souhaite la réduire à 50% à l'horizon 2050. © Infographie Laura Ayad
L’éolien, qui divise la classe politique, est devenu un marqueur de la campagne présidentielle ces derniers mois : si cette énergie ne représente, en 2020, que 8,9% de la consommation électrique nationale - contre 70% pour le nucléaire -, son exploitation soulève plusieurs questions. Sur terre, les riverains accusent ces projets de défigurer le paysage. En mer, les plateformes d’éoliennes offshore suscitent elles-aussi une levée de boucliers : à Saint-Brieuc, où un parc éolien est en cours de construction dans la baie, élus, pêcheurs et associations dénoncent le coût de cette installation industrielle, qui pourrait nuire à l’écosystème marin.
3- Atteindre la neutralité carbone : « Impossible sans les énergies renouvelables »
Au total, il faudra produire en moyenne jusqu’à « 60% d'électricité en plus par rapport à aujourd'hui », a déclaré Emmanuel Macron à Belfort. L’objectif ? Atteindre la neutralité carbone, sur laquelle s’est engagée la France à l’horizon 2050. Concept un peu flou, elle peut se résumer par un état d’équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine et leur retrait de l’atmosphère. À l’heure du réchauffement climatique, atteindre la neutralité carbone à l’échelle mondiale avant la fin du siècle est, selon le groupe d’experts du GIEC et les Nations unies, une nécessité indiscutable pour tenir l’objectif d’une hausse des températures à 1,5°C, conclut lors des accords de Paris en 2015. Atteindre la neutralité carbone doit passer par une électrification massive des usages des Français : voitures, industries, chauffage, etc. Si la France veut garder sa souveraineté électrique, elle va donc devoir drastiquement augmenter sa production. C’est dans cette perspective que les partisans du nucléaire plaident pour une utilisation massive de l’atome, neutre en carbone.
4- Alstom, « un champion international »
D’un point de vue de la souveraineté industrielle, c’est aussi ce jeudi qu’EDF a annoncé la reprise d’une partie des activités nucléaires de General Electric. L’accord exclusif signé entre les deux parties inclut le rachat des turbines à vapeur Arabelle, considérées comme les plus puissantes au monde. Cette annonce met fin à plusieurs mois de tractations confidentielles : selon une source proche du dossier, EDF devrait débourser environ 200 millions de dollars pour cette transaction. L’activité acquise par la compagnie d’électricité française est valorisée, au total, à 1,2 milliard de dollars.
Pour le Président français, l’enjeu de ce transfert de technologies sous le giron français est double. S’il va renforcer les connaissances et la maîtrise d’EDF en matière de nucléaire, il représente surtout pour l’ex-ministre de l’Économie une chance de faire amende honorable : c’est lui qui, en 2015, avait acté la vente de la branche énergie d’Alstom à l’américain General Electric, un choix pour lequel il avait été vivement critiqué. En pleine crise de l’énergie et alors que les prix du gaz et de l'électricité s’envolent, cette annonce permet à Emmanuel Macron de préciser sa stratégie pour la souveraineté énergétique de la France. Et se présenter, à deux mois de la présidentielle, comme le point d’équilibre entre pro et anti atome.
Eléonore Disdero et Laura Ayad