La chloroquine a maintenant un successeur : l’ivermectine. Du côté des personnalités anti-vaccins, sa popularité est à la hausse depuis plusieurs mois. Son efficacité pour endiguer la crise sanitaire est cependant douteuse.
L'efficacité de l'ivermectine contre la Covid-19 n'a pas encore été avérée. ©jarmoluk (libre pour usage)
« Un grand merci à la médecine moderne ». Sur son compte Instagram, le podcasteur américain Joe Rogan cite l’ivermectine, qui l’aurait guéri d’une infection de coronavirus. Sa vidéo compte actuellement 6,5 millions de vues. En France, on retrouve aussi certains supporters de ce mode de traitement, tel que l’ancien eurodéputé et dirigeant du mouvement des Patriotes, Florian Philippot. « Ils vont diaboliser l’ivermectine car ça marche et que ça commence à se savoir ! », a-t-il martelé mercredi 8 septembre sur Twitter.
Pourtant, cette substance n’a pas été approuvée par la FDA (Food and Drug Administration), l’agence américaine qui détermine la sécurité d’un médicament pour l’utilisation. Du côté des autorités françaises, même consignes. L’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament) n’a pas établi un « bénéfice clinique » de l’ivermectine pour une utilisation contre le Covid-19.
Une utilité très spécifique
Alors comment expliquer les éloges de cette substance ? Comme à l’époque de la chloroquine, il s'agit d’une mauvaise interprétation de ses vertus. L’Institut Pasteur a créé le buzz avec son étude au mois de juillet. Celle-ci proposait que l’ivermectine serait efficace contre le coronavirus dans un modèle animal. Cela peut paraître encourageant mais ce n’est que le début d’une longue période d’essais cliniques. Auprès de l’AFP, l’Institut a précisé que « ce n’est pas suffisant pour envisager un usage dans le cadre de la crise sanitaire ». Cette opinion est partagée par le professeur Yves Hansmann, chef du pôle des maladies infectieuses au Nouvel Hôpital Civil de Strasbourg. « Ce produit a montré une certaine efficacité in vitro sur le Sars Cov2, mais les études faites chez l’homme n’ont pas été concluantes à ce jour », détaille t-il.
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En termes scientifiques, chloroquine et ivermectine sont certes efficaces, mais seulement contre les maladies qu’elles sont censées apaiser. La chloroquine est principalement une solution contre la malaria. De son côté, l’ivermectine possède bien une autorisation de mise sur le marché pour consommation par voie orale. Mais comme l’indique le professeur Hansmann, ce n’est pas contre le coronavirus. « L’ivermectine est un traitement anti parasitaire utilisé plus précisément pour le traitement de certains vers comme l’anguillulose (vers d’intestin) ou dans la gale (acariens de la peau) ». Selon la FDA, des versions de l’ivermectine existent aussi pour des traitements parasitaires chez des animaux tels que les chevaux. Il ne devrait pas y avoir besoin de rappeler que le Covid-19 n’est pas une maladie parasitaire.
La prudence par dessus tout
Il est donc fortement déconseillé de prendre de l’ivermectine pour une raison autre que sa fonction désignée. « Les recommandations sont contre l’utilisation, en dehors d’essais cliniques », indique le Dr Nicolas Lefebvre, autre médecin du service des maladies infectieuses de Strasbourg. Il faut s’adresser à son médecin ou pharmacien avant la prise de ce médicament. Le souci majeur est qu'un nombre de malades du Covid, notamment aux Etats-Unis, ont déjà contourné l’avis des professionnels de santé. Les plus radicaux d’entre eux se tournent même vers cette version animale de l’ivermectine, avec sa formule beaucoup plus puissante.
Les effets indésirables principaux d’une prise d’ivermectine humaine sont une fièvre soudaine et une difficulté à respirer. Ce serait un vrai choc pour un individu cherchant à se rétablir d'une infection de coronavirus. Plus inquiétant encore, selon la FDA, la version animale du médicament pourrait provoquer une overdose, notamment des nausées, diarrhées ou une baisse de la tension artérielle. Tant qu’un verdict définitif n’a pas été rendu sur l’utilité de l’ivermectine contre le Covid-19, une très grande précaution est demandée.
Emilio Cruzalegui