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18/02/21
17:11

Droit à l'avortement : "On a peur d'un retour en arrière"

Christine Fenot travaille au Planning familial de Metz depuis 20 ans. © DR

Une proposition de loi visant à allonger le délai légal d'accès à l'IVG a été retirée de l'ordre du jour du groupe socialiste à l'Assemblée nationale alors qu'elle devait être discutée jeudi 18 février.

Ce jeudi 18 février, l'Assemblée nationale aurait dû discuter en deuxième lecture la proposition de loi "visant à renforcer le droit à l'avortement". Le texte devait allonger le délai légal d'accès à l'IVG de 12 à 14 semaines de grossesse et supprimer la double clause de conscience qui permet au médecin de refuser l'IVG pour des raisons morales. Mais, rejetée par le Sénat fin janvier, la proposition a été bloquée à la chambre basse et finalement retirée de l'ordre du jour du groupe socialiste. Christine Fenot, conseillère conjugale et familiale au Planning Familial de Metz, s'en inquiète auprès de Cuej.info.

Que vous inspire l'abandon de la proposition de loi "visant à renforcer le droit à l'avortement" ?

Ça me désole. C'était l'occasion de donner encore davantage de liberté de choix aux femmes. On se rend compte que leurs droits sont fragiles. On ne sait pas trop vers quoi on va, on a peur d'un retour en arrière avec des modifications de lois. L'avortement est toujours un sujet tabou. Les femmes qu'on reçoit sont gênées de nous dire qu'elles sont en demande d'IVG.

Dans quelles circonstances les femmes que vous conseillez ont généralement besoin d'avoir recours à l'IVG après 12 semaines de grossesse ?

C'est une question qu'on pose en entretien car on estime que ce n'est pas anodin, mais c'est toujours avec bienveillance, pour mieux rassurer. Parmi les femmes qui viennent nous voir, il y en a qui ont subi un accident de contraception : elles étaient sous pilule quand elles sont tombées enceinte et, comme elles avaient des saignements, elles ne s'en sont pas rendues compte tout de suite. D'autres font des dénis de grossesse, ou apprennent que leur compagnon avait une double vie et ne veulent pas poursuivre la grossesse. D'autres encore vivent dans un foyer devenu violent et ne veulent pas avoir d'enfant dans ces circonstances.

Par quelles étapes doivent-elles ensuite passer ?

Quand des femmes ont dépassé les délais légaux on les oriente vers les Pays-Bas, où on peut avoir recours à l'avortement jusqu'à 20 semaines de grossesse. Partir à l'étranger n'est pas simple, notamment pour les mineures. On se demande si on pourra nous parler français et où on va trouver le financement pour l'intervention : après 18 semaines de grossesse, l'IVG aux Pays-Bas coûte plus de 1000 euros. Trois semaines après l'avortement il faut faire une échographie pour vérifier que l'utérus soit bien cicatrisé. Ce qui n'est pas simple parce que les femmes ont peur de dire qu'elles sont allées à l'étranger. Au centre de Metz, qui est un petit établissement sans personnel médical, cette situation concerne environ 10 ou 12 femmes par an.

Une de ces situations vous a-t-elle particulièrement marquée ?

Une fois, j'ai accompagnée une lycéenne enceinte depuis 17 semaines. Elle ne voulait surtout pas en parler à ses parents. Or, pour aller aux Pays-Bas, il faut être accompagné d'une personne majeure. Elle avait prévu d'y aller avec son petit-ami de 19 ans, et sa grand-mère devait financer les frais médicaux. Mais le jour où elle était censée être sur place je l'ai trouvée devant mon bureau : la grand-mère n'avait pas l'argent ou ne voulait plus le donner et la jeune fille ne voulait toujours pas en parler avec ses parents. J'ai finalement pu la convaincre d'en parler et sa mère. Quelques semaines après son avortement au Pays-Bas elle est venue me remercier parce que cette expérience l'avait rapprochée de sa mère. Mais ça arrive que ça ne se finisse pas bien. Si les délais étaient allongés, ces femmes pourraient accéder à l'IVG en France et être prises en charge.

Marion Henriet

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