L'Assemblée nationale débattait lundi soir sur le projet de loi de la PMA (Procréation médicalement assistée) pour toutes, porté par le gouvernement. La ministre de la Justice a proposé des modifications concernant la filiation. Retour sur un dossier complexe qui divise sur plusieurs aspects.
Le projet de loi de PMA pour toutes a été retoqué sur la question épineuse de la filiation lundi 9 septembre./ Photo Wikimedia Commons Peter Potrowl
En cette rentrée 2019, les députés français s'attaquent à l'étude du projet de loi sur la bioéthique. La ministre de la Justice, Nicole Belloubet, est notamment revenue sur des questions de filiation qui faisaient polémique. Volet sensible, la PMA pour toutes devrait, si elle est votée, étendre le droit à la Procréation médicalement assistée aux femmes célibataires et aux couples lesbiens, après les couples hétérosexuels. La Sécurité sociale couvrirait cette assistance médicale à conditions égales.
Le débat sur l'égalité
En étendant l'Assistance médicale aux femmes célibataires et aux couples lesbiens, le projet de loi n'en fait plus seulement une aide médicale aux personnes souffrant d'infertilité.
Les pour : Les associations LGBT et féministes avancent que la PMA pour toutes permettra de mettre fin à un traitement inégal, et à un problème de santé publique. Les femmes concernées étaient jusqu'à présent obligées de partir à l'étranger pour réaliser leur insémination. Une adhérente à l'Association des parents gays et lesbiens d'Alsace témoigne : « On doit aller dans des cliniques privées où les coûts sont extrêmement élevés. Certaines ont une éthique douteuse, les femmes se mettent en danger. »
Les contre : Pour les détracteurs du projet, le rôle de l'Assistance médicale n'est pas de rétablir les inégalités, puisque l'enfant ne peut faire l'objet d'un droit. Ils s'appuient sur les observations du Conseil d'Etat : « la notion de "droit à l’enfant" n’ayant pas de consistance juridique (...) aucune atteinte au principe d’égalité ne peut être invoquée sur ce terrain ». La PMA permet, à l'origine, de répondre à un problème d'infertilité, et son extension dévoierait donc la médecine. Mais le projet de loi s'inscrit dans une nouvelle philosophie : la PMA ne doit plus seulement être une solution médicale, mais répondre à un projet parental construit. Or, pour les anti-PMA, la volonté des parents ne suffit pas pour avoir des enfants. Elle conduirait inévitablement à la légalisation de la très polémique GPA (gestation pour autrui).
L'autoconservation des gamètes
L'une des nouvelles mesures du projet de loi, c'est l'autorisation de congeler les gamètes. Jusque-là interdite, elle devrait permettre aux femmes de congeler leurs ovocytes et de les utiliser au moment souhaité.
Les pour : L'autoconservation des gamètes répond à un souci de fertilité. En raison de leur carrière ou d'engagements plus tardifs, les femmes voient l'âge de leur grossesse avancer de plus en plus. Selon l'Institut national d'études démographiques, il était fixé à 25,9 ans en moyenne en 1974 et est passé à 30,7 en 2017. Cela a un impact sur la fertilité des femmes, et peut les conduire à renoncer à leur projet de maternité.
Les contre : Les taux de réussite de la PMA sont en eux-mêmes assez faibles, 20% en moyenne, or les grossesses tardives sont généralement plus compliquées. « Offrir aux femmes la possibilité d'avoir des enfants à tout âge, c'est un mensonge, estime Aude Tampé, responsable Grand Est de l'association Alliance Vita. C'est une négation de leur horloge biologique,, et cela va créer beaucoup de désenchantements ».
La filiation
C'est le lien qui unit juridiquement l'enfant à ses parents. Il doit, pour les parents qui adoptent ou ont recours à la PMA, faire l'objet d'un acte administratif avant la naissance. À l'heure actuelle, les couples hétérosexuels doivent effectuer une reconnaissance anticipée de parentalité. Les couples lesbiens, eux, n'ont pas de reconnaissance commune de leur maternité. Seule l'une des deux est reconnue mère automatiquement, l'autre doit être mariée à sa conjointe et adopter l'enfant, une démarche longue et difficile. Le projet de loi initial sur la PMA pour toutes a d'abord autorisé la filiation commune pour les couples de femmes, à la condition de faire une « déclaration anticipée de volonté » d'avoir un enfant. Lundi 9 septembre, l'Assemblée nationale est allée plus loin dans ce volet filiation, en alignant les démarches des couples hétérosexuels et homosexuels, pour éviter toute discrimination. Symboliquement, cette filiation sera inscrite dans le Code civil sans faire l'objet d'un titre à part, comme c'était prévu.
Les pour : Pour les associations pro-PMA pour toutes, la reconnaissance des deux mères de couples lesbiens est un grand progrès sociétal. En leur accordant les mêmes droits de filiation, le projet de loi permet de protéger leur maternité commune. « C'est finalement la volonté d'être parent qui compte », se réjouit-on du côté de l'APGL Alsace.
Les contre : L'absence de père est une des principales polémiques de l'extension de la PMA. « Il serait privé de la moitié de sa généalogie puisqu'il serait né en partie d'un don, poursuit la responsable Grand Est d'Alliance Vita. Nous considérons cela comme une maltraitance. On va créer des enfants dont toute un pan de l'histoire est inconnu, en oubliant leurs droits. »
Caroline CELLE