Emmanuel Macron a reconnu le rôle de l’Etat dans la disparition de ce militant communiste et anticolonialiste durant la guerre d’Algérie.
Le militant anticolonisation, ici durant sa jeunesse. /Droits réservés
« Il était temps que la Nation accomplisse son devoir de vérité. » Ces mots, relayés par l’Élysée, sont ceux d’Emmanuel Macron. Ils font référence à l’affaire Maurice Audin, du nom de ce mathématicien communiste, militant d’une Algérie indépendante, disparu dans des circonstances pour le moins secrètes durant la bataille d’Alger. Le 11 juin 1957, explique le journaliste Benamar Mediene dans les colonnes du journal algérien Le Matin, l’homme de 25 ans est arrêté par les autorités françaises, chargées de contenir toutes velléités indépendantistes. « Votre mari reviendra dans une heure, s’il est raisonnable », déclare alors le capitaine Devis à Josette Audin, l’épouse du militant. 61 ans après, celle qui s'est toujours qualifiée comme la veuve de Maurice Audin ne sait toujours pas exactement ce qu’est advenu du père de ses trois enfants, dont le corps n’a jamais été retrouvé.
« Son épouse n’y a jamais cru »
La version officielle, rappelée par le député La République En Marche Cédric Villani sur les ondes de France Inter le 13 septembre, a longtemps voulu que Maurice Audin se soit échappé et qu’il ait disparu. « Mais son épouse n’y a jamais cru », a poursuivi l’ami de la famille, mathématicien de formation et président du prix Maurice Audin. Le même jour, en visite chez Josette Audin, désormais âgée de 87 ans, Emmanuel Macron a reconnu la responsabilité « d’un système légalement institué » en Algérie, ayant recours à la torture. « Le chef de l’Etat va appeler toutes les personnes qui ont pu connaître les circonstances de la mort de Maurice Audin à s’exprimer librement afin d’apporter leur témoignage et conforter ainsi la vérité », poursuivait Cédric Villani, lauréat de la médaille Fields en 2010. En parallèle, le député a annoncé la mise en accès public des archives de l’Etat concernant la guerre d’Algérie.
Non-lieu et amnistie
« Je ne pensais pas que ça arriverait », a confié Josette Audin, soulagée, après avoir appris la décision d’Emmanuel Macron de lui rendre visite à Bagnolet (Seine-Saint-Denis). Durant leur rencontre, le chef de l’Etat a reconnu que son époux était « mort sous la torture », avant de lui demander « pardon ». Commence pour elle la deuxième phase d’un combat entamé dès 1957. Dès le 4 juillet, moins d’un mois après la disparition de son époux, la jeune femme portait plainte contre X pour homicide. Cinq ans plus tard, un non-lieu était prononcé par la justice. A l’époque, l’acte de décès de son mari n’avait pas encore été établi. Il lui faudra attendre 1963.
#MauriceAudin Avec Josette, Michèle et Pierre Audin pour ce moment historique de reconnaissance de la responsabilité de l’Etat dans la mort de Maurice Audin et la reconnaissance d’un système de répression qui recourait de manière généralisée à la torture. pic.twitter.com/vhjFifxago
— Sébastien Jumel (@sebastienjumel) 13 septembre 2018
La famille du militant n’a jamais cessé son combat contre la vérité présentée par l’Etat. Josette Audin a saisi la justice par deux fois dans les années suivantes. Mais elle s’est à chaque fois heurtée aux lois d’amnistie qui prohibaient l’ouverture d’enquêtes sur des infractions pénales survenues en Algérie.
Une pression politique
Le premier pas d’un homme politique dans le sens de la famille Audin remonte à 2012. Fraîchement élu à la présidence de la République, François Hollande autorisait l’ouverture d’archives sur l’affaire. Deux ans plus tard, le socialiste déclarait publiquement qu’Audin était « mort durant sa détention » et qu’il ne s’était pas évadé.
Tout s’est accéléré début 2018. Le 14 février, jour de l’anniversaire de Maurice Audin, L’Humanité publiait le récit anonyme d’un homme reconnaissant avoir aidé à enterrer le militant communiste. Le même jour, deux députés, dont Cédric Villani, demandaient à Emmanuel Macron que la vérité soit faite sur cette affaire. En mai, L’Humanité publiait cette fois une tribune signée par cinquante personnalités visant à faire reconnaître « ce crime d’Etat ». C’est désormais chose faite.
Florian Bouhot