Une affaire de violences conjugales était jugée au tribunal de grande instance de Strasbourg, mercredi 12 septembre. Le prévenu, souvent apathique à la barre, a mis le feu à des effets personnels de sa compagne, à la suite d’une crise de jalousie.
Les menottes cliquètent dans la salle d’audience, alors que le prévenu est amené, ce mercredi, à la barre, la moue fermée, le visage presque indifférent, les yeux le plus souvent baissés. Bien loin de cette apathie affichée, J-M. P., pull noir et mâchoire proéminente, est accusé d’avoir exercé des violences sur sa concubine, deux jours plus tôt à Strasbourg, et d’avoir mis le feu à certains des effets personnels de cette dernière, qui est venue à l’audience.
Quand ils arrivent sur place à la suite d’un appel d’une des voisines, les policiers entendent des cris au second étage, et sentent une odeur de brûlé. La victime, âgée de 34 ans, présente des griffures au visage et aux bras, mais ne se voit pas prescrire d’ITT.
« Vous reconnaissez avoir détruit les biens mobiliers de votre concubine et exercé des violences sur elle ? Oui monsieur le juge. Vous êtes bien cariste ? Oui monsieur le juge ». Aux questions du président Christian Seyler, le prévenu applique la même chute, l’air poli et soumis.
Ce n’est que quand on l’interroge sur les raisons de sa réaction violente ce soir-là que sa voix s’emballe, que J-M. P. en oublie son systématique «Oui monsieur le juge ».
« C’est moi qui lui avais offert ses vêtements»
« Elle a passé la nuit chez son ancien compagnon, alors qu’elle avait promis de ne plus le revoir », s’indigne-t-il à la barre, pour expliquer son acte. « Vous auriez pu régler la situation autrement. Imaginez que le feu ait pris dans l’appartement, les conséquences auraient pu être désastreuses ! », rétorque le juge. « C’est moi qui lui avais offert ces vêtements, comme presque tous les meubles de l’appartement…monsieur le juge » justifie le prévenu.
La Procureure de la République, elle, comprend que « les vêtements et sous-vêtements ont été brûlés comme une forme de sanction au sein du couple, ce qui interroge sur un mode de fonctionnement dangereux ». Le prévenu ayant déjà une mention à son casier judiciaire pour des faits similaires, commis en 2014, la Procureure requiert huit mois de prison ferme, dont quatre avec sursis.
Un halètement retentit au micro, le corps du prévenu, jamais écroué auparavant, tressaute alors qu’il tente, les épaules secouées, de contenir son émotion.
« Ne rentre pas ce soir, c’est préférable que nous discutions à tête reposée »
C’est à peine s’il semble entendre le plaidoyer de son avocat, qui avance des arguments discutables et fait valoir « l’atteinte portée à la virilité de son client », avant tout jaloux. Ou continue en mentionnant le mot laissé ce soir-là par J-M. P. sur la porte à sa compagne : « Ne rentre pas ce soir, c’est préférable que nous discutions à tête reposée. »
Le prévenu finit par lever les yeux à nouveau, sans jamais croiser le regard de son ancienne concubine, qui lui jette pourtant des coups d’œil à la volée. Son avocate a demandé 200 euros de dommages intérêts matériels, et 800 euros au titre du préjudice moral subi, arguant d’une « fragilité morale » préalable de sa cliente.
Le prévenu, lui, demande que son ancienne compagne « lui rende son canapé d’angle, sa télévision, et le lit qu’il a apporté dans l’appartement ». Revenant à des considérations moins matérielles, il argue à la barre : « J’aime mon boulot, je ne veux pas le perdre, à 54 ans. J’ai toujours des sentiments très forts pour elle, j’aurais voulu avoir l’occasion de faire des efforts. » Avant de conclure : « Mais je veux quand même être puni pour ce que j’ai fait…monsieur le juge ».
Emilie Sizarols