Venue soutenir les manifestants après l'évacuation du site de Kolbsheim, Karima Delli se dit victime de brutalité policière.
Dur réveil lundi 10 septembre dans la ZAD du Moulin, près de Kolbsheim. A 5h30, 515 gendarmes ont fait évacuer les militants écologistes, citoyens et élus, venus protester contre le démantèlement de ce fief des antis-GCO. Aucun blessé n’est à déplorer, mais les manifestants (150 personnes selon la préfecture, 200 à 300 selon les associations écologistes), dénoncent un emploi démesuré de la force.
« Chez les nazis on gazait les Juifs, ici la République gaze ses élus, vilipende Dany Karcher, maire de Kolbsheim (sans étiquette). Mon écharpe, ma veste sont pleines de gaz lacrymogène. Les forces de l'ordre ont fait preuve de brutalité, envers des personnes qui ne le méritaient pas. » Stéphane Giraud, président de l'association Alsace Nature, condamne lui aussi « une violence extrême de la part de l'Etat, envers des personnes âgées, des jeunes. Et il n'y avait aucun manifestant violent », ajoute-t-il. Sur Twitter, les photos publiées par Reporterre vont dans son sens.
#GCO Les gendarmes évacuent violemment la Zad du Moulin, près de Strasbourg - Reportage https://t.co/JmaKz7UEPc pic.twitter.com/OCiX7XOHNL
— Reporterre (@Reporterre) 10 septembre 2018
Les tensions entre les forces de l’ordre et les zadistes du Kolbsheim ont repris lundi soir. Vers 20 heures, des gendarmes ont fait usage de gaz lacrymogène pour disperser le rassemblement de 300 opposants au projet du Grand contournement ouest de Strasbourg. L’eurodéputée Karima Delli (EELV), venue soutenir les manifestants, a été sérieusement touchée lors de cette intervention puis évacuée. José Bové, eurodéputé également présent sur place, a dénoncé l’intervention des gendarmes.
#GCO Karima DELLI après une agression en plein visage par des gaz poivres. Cette violence est inacceptable. pic.twitter.com/w8dteZpZOa
— José Bové (@josebove) 10 septembre 2018
Un projet épineux
Le Grand Contournement Ouest est un projet fluctuant, mené par l’Etat. Apparu dans les années 1970, il a été abandonné puis relancé à plusieurs reprises, jusqu’à ce que, le 31 août dernier, Jean-Luc Marx signe deux arrêtés autorisant Arcos (une filiale de Vinci) et la Société des autoroutes du Nord et de l'Est de la France (Sanef), à débuter les travaux de déboisement. L’objectif du GCO est de délester l’autoroute A35, avec 24 kilomètres de rocade supplémentaires.
Problème : le projet a recueilli sept avis défavorables, de commissions d’enquête publiques du Conseil National de Protection de la Nature (CNPN), ou de l’Autorité environnementale. Le dernier date du 11 juillet dernier, la commission d’enquête du CNPN, chargée d’évaluer son impact, a pointé du doigt la gestion de l’eau par Arcos. Le GCO menacerait aussi deux forêts, et six corridors écologiques, qui abritent des espèces protégées, comme le grand hamster d’Alsace.
Des opposants déterminés
Depuis une dizaine d’années, des militants écologistes, des associations, des citoyens et des élus se sont regroupés sous la bannière du collectif anti-GCO, pour lutter ensemble contre le projet de rocade. En 2014, les opposants suivent le mouvement de Notre Dame des Landes et fondent une Zone A Défendre. Le principe : occuper un lieu où doit être construit un projet dit « d’utilité publique » mais qui constitue, pour ses opposants, une menace écologique, ou une entrave au droit des populations locales à décider de leur avenir. Certains se sont donc établi sur le site, y ont construit des habitations, cultivé un potager et même élevé des poules. La prise de la ZAD par les forces de l’ordre a mis fin à ce projet de vie.
« C’est un projet qui ne règlera rien, au contraire, assure Dany Karcher. Les avis défavorables ne cessent de se multiplier. A croire que ce ne sont plus les politiques qui dirigent le pays mais les lobbys. »
Jean-Luc Marx, lui, appelle à échanger. « Je souhaite ardemment que le dialogue puisse continuer avec les associations. Nous avons besoin du regard d’expert d’Alsace Nature. » Ce à quoi le président de l’association répond, sans détour : « On ne sollicite pas l’expertise de quelqu’un après lui avoir balancé des gaz ».
Le site est à présent entièrement contrôlé par les forces de l’ordre, jusqu’à ce qu’Arcos lance les travaux, en vue de fouilles archéologiques. Impossible pour les anti-GCO de reconstruire la ZAD. Dany Kruger leur a donné rendez-vous le lundi 10 septembre, à 18 heures, devant la mairie de Kolbsheim, pour décider de la suite. « ça va être dur de poursuivre la lutte sur le terrain, reconnaît Stéphane Giraud. Mais nous avons plusieurs recours prévu. » La confrontation des anti et pro GCO devrait donc se jouer devant la justice.
Marie Dédéban