Les actes racistes ont été moins nombreux mais plus violents en France en 2017 selon le bilan du ministère de l'intérieur dévoilé mercredi. Entretien avec le président de la Ligue des droits de l'homme, Malik Salemkour.
950, c’est le nombre d’actes racistes perpétrés en France en 2017. Ces chiffres ont été rendu publics mercredi 31 janvier par le ministère de l’intérieur. Cela paraît beaucoup, mais les actes racistes sont en baisse de 16 % par rapport à 2016, où on en avait dénombré 1128. Mais tandis que le nombre diminue, les actes commis sont plus violents en 2017 qu’en 2016, et ces actions violentes concernent notamment les Juifs : 97 agressions physiques enregistrées, soit 20 % de plus que l’année précédente. Par ailleurs, pour la première fois depuis 2008, les profanations de sépultures et de lieux de cultes chrétiens et musulmans sont en baisse, mais les actes de vandalisme contre les sites juifs sont en hausse : vingt-huit profanations contre vingt-trois en 2016. Un bilan mitigé, mais qui ne reflète pas la réalité, selon le président de la Ligue des droits de l’homme*, Malik Salemkour.
Comment expliquer cette baisse ?
Ces chiffres sont dus au fait que l’année 2016, comme l’année 2015, a été une année de hausse des actes racistes, à la fois contre la communauté juive et contre la communauté musulmane.
Le président du consistoire central israélien, Joël Mergui, soulignait, jeudi matin, le côté insaisissable des actes racistes sur Internet, qui augmentent tandis que ceux subis dans la rue diminuent. Assiste-t-on à un changement de terrain des manifestations racistes ?
C’est vrai qu’Internet et les réseaux sociaux conduisent à une expression plus forte des actes racistes, mais aussi des actes outranciers, des diffamations, des insultes. Évidemment, le fait policier, c’est-à-dire le fait d’être allé au commissariat déposer plainte, ne peut pas recenser l’ensemble de la réalité des actes racistes. C’est donc un thermomètre, mais qui ne donne pas toute la température.
Mais sur Internet, il y a tellement de messages que nous n’avons pas aujourd’hui les moyens de lutter efficacement contre cette forme de racisme et d’antisémitisme. Ce sera l’un des enjeux du futur plan contre le racisme. Cette parole, qui devient un délit, doit engager la responsabilité de la personne qui commet ce délit, mais aussi de l’hébergeur et du diffuseur. Or les trois grands (Facebook, Google, Twitter) se renvoient la balle. Facebook, par exemple, n’est pas régi par la loi française. On peut saisir la plateforme pour faire retirer des messages, mais on ne peut pas la condamner pour diffusion de propos racistes. C’est pourquoi, face aux réseaux sociaux, nous avons besoin non seulement d’une charte, mais d’une entité juridique en France, a minima en Europe, qui permettrait de mieux sanctionner le racisme que ne le fait la loi américaine dont dépend ce réseau.
Peut-on dire aujourd’hui qu’Internet a complètement faussé la réalité de ces chiffres ?
Comme tout indicateur, sa valeur brute a peu de sens. La seule chose importante est son évolution. Si, par exemple, concernant les plaintes, on constate une augmentation d’une année sur l’autre, cela permet alors de déduire soit qu’il y a plus de victimes, soit qu’il y a plus de gens qui veulent faire punir l’injustice qu’ils subissent, mais cela témoigne quand même d’une évolution. De plus, nous constatons des crispations identitaires et communautaires, à cause des importations de débats internationaux en France, qui ne concernent en rien la France mais qui amènent, tout de même, à des violences entre personnes qui vivent dans ce pays. D’où la nécessité que tout le monde se mobilise, et ne pas considérer que, parce que je suis noir, je ne suis pas concerné par l’antisémitisme etc.
Vous parliez tout à l’heure de l’actualité de Jérusalem, dans quelle mesure cela influence les comportements ?
Manifestement, certains considèrent que les personnes de confession juive en France sont responsables de la politique israélienne. C’est là l’essence de l’antisémitisme. C’est une vraie confusion, et on le voit avec les violences provoquées dans d’autres pays par la déclaration de Trump concernant Jérusalem. Le transfert dans cette ville de l’ambassade des États-Unis est venu raviver les tensions et un antisémitisme inacceptable en France.
Il convient donc d’éviter les amalgames, et les assimilations entre terrorisme et islam, pour ne prendre que cet exemple. En effet, les musulmans ne sont pas responsables de Daesh, de même que les catholiques ne sont pas responsables des intégristes qui viennent agresser les médecins qui pratiquent l’IVG.
Maxime BAZILE
* Créée en 1898 pour défendre le capitaine Dreyfus, la Ligue des droits de l’homme se bat à travers le pays pour faire régner la justice, les libertés, les droits civiques et politiques. Elle est à l’initiative, après la Grande Guerre, de la création de la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH), en 1922.