Florence Parly, ministre des Armées, a annoncé l'armement des drones français. Selon elle, c'est aussi une question de souveraineté.
La multiplication des drones armés est-elle le prélude d'une guerre des robots ? Lors de la conclusion de l'université d'été de la Défense à Toulouse, mardi 5 Septembre, la ministre des Armées, Florence Parly, a annoncé l'armement des drones nationaux, une option jusque-là réfuté par Paris. Il faudrait "prendre en compte l’évolution des technologies et ce qu’elles impliquent en termes de stratégie militaire pour gagner en efficacité", a-t-elle déclaré devant les militaires, industriels et parlementaires.
Il s'agirait, selon elle, d'une démarche "nécessaire et indispensable face à un adversaire" qui utilise lui-même les nouvelles technologies. Les positions de la ministre se recoupent avec le rapport des sénateurs Cédric Perrin et Gilbert Roger, publié le 23 mai et intitulé "Drones d'observation et drones armés : un enjeu de souveraineté". L'existence des drones armés, assurent-ils, est un enjeu urgent de souveraineté nationale.
L'armement est lancé
Actuellement, la France dispose de six drones du modèle américain "Reaper", non-armés. Cinq d'entre eux sont basé à Niamey, au Niger, pour les opérations de renseignement et de surveillance au Sahel. Le dernier est à Cognac, en France. Comme ils ont été achetés en 2013 à l'armée américaine, la France devra obtenir l'accord du Congrès américain pour pouvoir armer ses drones dès 2019. Jusqu'à maintenant, en cas d'une identification d'une cible par ses drones non-armés, la France avait toujours dû demander de l'aide pour la "neutraliser".
Cette situation "non-souveraine" poserait plusieurs problèmes, selon le rapport des sénateurs. Entre autres, "la perte de compétence et d'emplois pour l'industrie européenne". Mais cette situation pourrait cependant évoluer. La coopération entre l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne et la France a en effet donné naissance au premier programme européen pour le développement d'un drone Male (Moyenne altitude longue endurance). La mise en service du drone "nEUROn" du groupe français Dassault Aviation est attendue pour 2025.
Démonstration impressionnante du drone nEUROn par @Dassault_OnAir. Succès d’une innovation majeure et riche coopération européenne pic.twitter.com/3YnH5LwXmT
— Florence Parly (@florence_parly) 4 septembre 2017
La France va ainsi entrer dans le club des pays disposant de drones armés, rejoignant ainsi les Etats-Unis, Israël, la Grande-Bretagne, l'Italie, le Nigéria, l'Arabie saoudite, l'Irak, les Emirats arabes unis, l'Iran, le Pakistan et la Turquie. D'autres pays, comme le Kazakhstan et le Turkménistan, envisagent aussi l'acquisition de drones armés. La Chine prevoirait aussi de s'en doter : elle en a déjà fourni à l'armée irakienne, dès 2015.
La guerre reste la guerre
Pour de nombreux pays, les drones sont devenus indispensables pour remplir les missions dites 3D, pour "dull, dirty, dangerous" (longues, usantes, dangereuses). Mais ça ne veut pas dire que les guerres modernes, effectuées de plus en plus par les pilotes de drone qui agissent à distance, seront courtes, propres et sécurisées. Réalisé par Sonia Kennebeck, le film National Bird sur l'emploi des drones par les Américains en Afghanistan montre les conséquences réelles pour les soi-disant "dégâts collateraux", mais aussi pour les pilotes et tous ceux qui sont en contact avec les drones en service. Les 3D font toujours partie de la guerre - même sur des images de drones en 2D.
En dépit des controverses, le nombre des drones armés dans le monde va quand-même augmenter. Les informations qu'ils recueillent et l'avantage qu'ils apportent sont encore trop importants pour que les États y renoncent. "Il est regrettable que l'intelligence politique de l'homme soit 100 fois moins développée que son intelligence scientifique", écrivait déjà l'auteure Marguerite Duras dans son œuvre Hirsohima mon amour, en référence aux armes nucléaires, alors symboles de la technologie militaire. Aujourd'hui, les drones armés donnent aux États une nouvelle forme de souveraineté internationale. Alors que les armes nucléaires ont joué, les soixante-dix dernières années un rôle de dissuasion, les drones armés volent dèsormais dans le ciel du monde entier. Silencieux et dangereux.
Ferdinand Moeck