La présidente du Front national a rencontré le chef d’État et le premier ministre libanais. Un nouveau déplacement marqué par des polémiques et beaucoup d'improvisation.
En quête de stature internationale, Marine Le Pen a rencontré lundi le président libanais, Michel Aoun. Crédit : CC by Flick/Theglobalpanorama
Après son échec au pied de la Trump Tower, le 12 janvier, Marine Le Pen a pu enfin rencontrer pour la première fois un chef d’État, lundi. En visite au Liban, la candidate s'est d'abord entretenue avec le président Michel Aoun, et son premier ministre Saad Hariri, avant d'avoir un tête-à-tête mardi avec le Patriarche de l'église chrétienne maronite. Mais la visite qui devait permettre à Marine Le Pen de peaufiner sa stature internationale, et présidentiable, a généré son lot de couacs et de polémiques. Contrairement à l'accueil chaleureux qui a été réservé à Emmanuel Macron, reçu en janvier dans le bureau présidentiel, Marine Le Pen n'a eu droit qu'à un entretien de trente minutes dans une salle de conférence.
Une position difficile à tenir
Pire, son entrevue avec le premier ministre s'est soldée par un communiqué appelant la candidate d'extrême-droite à "ne pas faire d'amalgame entre terrorisme et islam", tandis que sa rencontre programmée avec le mufti de la République, cheikh Abdellatif Deriane, a avorté. En cause, son refus de porter un voile pour se couvrir les cheveux.
La séquence a été retweetée de nombreuses fois sur les réseaux sociaux.
Au Liban, Marine Le Pen a refusé de porter le voile et n'a finalement pas rencontré le grand mufti de Beyrouth https://t.co/4irInNylG9 pic.twitter.com/6QBWTcD72k
— franceinfo (@franceinfo) 21 février 2017
"Ils ont cherché à m'imposer ça, à me mettre devant le fait accompli, eh bien on ne me met pas devant le fait accompli", a-t-elle déclaré aux journalistes. Une position aussitôt saluée sur Twitter par le numéro 2 de son parti, Florian Philippot, comme un "un magnifique message de liberté et d'émancipation envoyé aux femmes de France et du monde".
"Le refus de porter le voile est un signe fort envoyé à ses électeurs, confie à Cuej.info Raphaël Gourrada, membre du Cercle de chercheurs sur le Moyen-Orient, spécialiste du Liban. Mais imposer ses principes et dire on ne fait pas de compromis, est une position difficile à tenir pour une personne qui ambitionne de devenir un chef d’État. La diplomatie, c'est précisément du dialogue. Et du compromis."
Une méconnaissance du Liban
Pour le chercheur, cet épisode prouve que Marine Le Pen ne maîtrise pas encore les subtilités du jeu diplomatique. "Le mufti de la République est un personnage important, proche du premier ministre Saad Hariri. Se brouiller avec lui n'est pas forcément une bonne idée", poursuit-il. Mais c'est sa connaissance même du Liban qui est remise en cause par une déclaration au quotidien libanais L'Orient le Jour, mardi. Marine Le Pen y affirme en effet ne pas croire "qu'il y ait du communautarisme au Liban". Une idée "rendue possible" selon elle "par l'attachement fondamental des Libanais au Liban, qui prévaut sur l'identité religieuse". Deux affirmations fausses selon le spécialiste. Le communautarisme est en réalité ancré dans la Constitution libanaise. Celle-ci prévoit au contraire que la présidence de la République revienne à un chrétien maronite; celle du Parlement à un chiite et celle du gouvernement à un sunnite.
"Tout pouvait laisser croire à Marine Le Pen que le Liban est un pays diplomatiquement moins risqué, analyse Raphaël Gourrada. Le président Michel Aoun est, tout comme elle, favorable au maintien de Bachar Al-Assad à la tête de la Syrie. Mais les choses se sont révélées bien plus complexes. Le journal de gauche al-Akhbar, proche du Hezbollah (qui combat aux côtés des troupes du régime syrien, ndlr) un parti favorable à Marine Le Pen, a annoncé que la présidente du FN n'était pas la bienvenue au Liban."
Sarah Bos