Lorsque le débat autour du made in France recommence, on sait que la période électorale approche. Mais ces produits ont-ils encore un lien avec l'Hexagone? Enquête.
Il y a des débats politiques qui ressortent avec une régularité de métronome. A l'approche de l'élection présidentielle, le patriotisme économique se retrouve sur le devant de la scène. Face à l'épouvantail de la mondialisation, le débat autour du made in France semble plus actuel que jamais. De Mélenchon à Le Pen, tous les politiques y ajoutent leur grain de sel. Pourtant, les résultats des politiques,« du redressement positif » ou « de la relocalisation d’activités et d’emplois » par exemple, sont le plus souvent impalpables, simplement inexistants ou, du moins, difficilement mesurables. Au fond, on sait qu'il s'agit d'un pseudo-débat. La mondialisation a imprégné les chaînes de production à un tel niveau qu'un retour en arrière est une utopie. La preuve avec quelques exemples de marques et produits français qui ne le sont plus vraiment.
Typiquement français mais pas forcément du terroir
La moutarde de Dijon est connue au-delà des frontières françaises. Pourtant, environ 85 % de la production des grains de moutarde viennent du Canada, le reste des pays de l'Est. Une partie de l'huile d'olive made in France est certes fabriquée dans l'hexagone, mais à base de fruits espagnols, grecs ou tunisiens. Les champignons de Paris ne poussent presque plus en Ile-de-France, mais de plus en plus en Chine. En ce qui concerne les entreprises et marques : Teisseire, l'inventeur du sirop en bidon en fer, est aujourd'hui une filiale du groupe britannique Britvic, et Herta, première marque en charcuterie en France, appartient depuis trente ans au géant suisse Nestlé.
La bière : un quasi-oligopole
Quatre Géants, dont Heineken (Pays-Bas) et Carlsberg (Danemark), se répartissent la moitié du marché mondial de la bière. La France n'y fait pas exception : la bière la plus consommée est hollandaise, Heineken, suivi par Kronenbourg et 1664, qui appartiennent au groupe Carlsberg. Même des marques moins connues comme l'alsacienne Fischer ou la Pelforth, originaire de Nord-Pas-de-Calais, ont été rachetées par les internationaux, dans les deux cas par Heineken.
Produits cosmétiques, discipline par excellence de la France
Ce ne sont pas toujours des sociétés étrangères qui achètent des entreprises françaises. Evidemment, la mondialisation fonctionne dans les deux sens. Un exemple : L'Oréal, leader mondial de l'industrie cosmétique. Basé à Clichy, dans les Hauts-de-Seine, le groupe est aujourd'hui actif dans 130 pays. En conséquence, la plupart des produits L'Oréal n'est pas made in France, mais fait dans des pays asiatiques. Même chose pour le prestigieux Savon de Marseille : le savon vient notamment de Turquie et de Chine et est ensuite naturalisé marseillais par le biais du fameux slogan.
Electroménagers : Les héros des Trente Glorieuses
De Dietrich et Moulinex sont des marques françaises d'électroménagers qui ont eu beaucoup de succès pendant les Trente Glorieuses. Suite à la faillite de la maison mère, l'ancien fabriquant d'armement Brandt, de Dietrich est rachetée par le groupe espagnol Fagor, puis par l'algérien Cevital. Moulinex, qui appartenait également à Brandt avant la faillite, reste dans les mains d'une société française, le groupe SEB d'Ecully. Les marques existent encore, mais les produits qui portent leurs nom n'ont rien à voir avec les anciennes entreprises De Dietrich d'Alsace et Moulinex de Basse-Normandie et ne sont, le plus souvent, pas made in France.
Industrie du textile, un secteur qui s'importe
Dans le secteur du textile, la société Lacoste de Troyes est une exception. Elle est une des rares entreprises qui n'a pas transféré la totalité de sa production dans des pays à bas coûts. Environ un quart du personnel de production travaille encore à Troyes, le reste se répartit dans différents pays, notamment en Asie. Pourtant, depuis 2012, l'entreprise est une filiale du groupe Suisse Maus Frères Holding. En 2001, le groupe états-unien Procter & Gamble a acquit une partie des droits de la marque Lacoste pour commercialiser des produits de beauté et des parfums sous ce nom. Hormis le petit crocodile, ces produits n'ont décidement plus rien à voir avec les chemises.
Peter Eßer