Bernard Cazeneuve espère convaincre les géants du web après un sommet pour la lutte contre le terrorisme à Washington qui n'a pas porté ses fruits - AFP PHOTO/NICHOLAS KAMM
Le ministre de l'Intérieur entend lutter contre les appels aux actes terroristes sur la toile avec l'aide des géants de la Silicon Valley, qu'il rencontre vendredi à San Francisco.
Twitter, Facebook, Google et Microsoft doivent se mobiliser contre le cyberjihadisme. C'est en tous cas ce qu'espère Bernard Cazeneuve, en visite à San Francisco aux sièges de ces grands du web. Ce rendez-vous se déroule au lendemain d'un sommet mondial pour la lutte contre le terrorisme, qui a réuni durant trois jours des représentants internationaux à Washington. Un sommet qui n'a abouti à aucune décision concrète.
Pour tenter de réduire l'impacte de la propagande jihadiste sur la toile, le ministre se déplace dans la Silicon Valley avec des propositions. Parmi les mesures envisagées : une meilleure collaboration avec les géants du web pour "démanteler les technologies employées par les jihadistes" ou encore la mise en place d'une propagande anti-jihadiste. Bernard Cazeneuve espère aussi un accord permettant le retrait "sans délai" des propagandes jihadistes dès leur signalement. Le défi : convaincre les grands dirigeants du web et trouver des solutions en accord avec le principe de liberté d'expression. Si les attentes précises ne sont pas encore connues, le ministre avait plaidé jeudi pour "une meilleure coordination dans la lutte contre la propagande et le recrutement terroristes sur internet". Bernard Cazeneuve souhaitant "une responsabilité partagée" face à une "menace protéiforme".
Une réponse partielle au problème
William Gilles, maître de conférences en droit numérique à l'université Paris 1 Sorbonne, constate que "la loi française peut se heurter à la loi américaine qui est beaucoup plus large en matière de liberté d'expression". Le premier amendement de la Constitution des Etats-Unis stipule en effet que "le Congrès ne pourra faire aucune loi ayant pour objet (...) de limiter la liberté de parole ou de presse". Pour le spécialiste, le blocage des sites ne supprimera cependant pas l'apologie du terrorisme et les appels au jihad sur Internet. "C'est une disposition utile pour les adolescents tentés de s'engager, mais ceux qui seront déjà dans le mouvement trouveront toujours des moyens d'accéder à ces sites. Ce n'est pas une réponse à tout, les sites se créent et se défont."
En France, une loi adoptée en novembre 2014 permet déjà le blocage administratif des sites appelant à des actes terroristes. Une mesure qui a ses limites : seuls les usagers basés en France verront leur accès à ces pages bloqué. Ce qui n'empêchera pas ceux qui le souhaitent vraiment d'y accéder puisque, comme le souligne William Gilles, "un internaute peut toujours essayer de se localiser artificiellement dans un autre pays". Si les géants de la Silicon Valley venaient à accepter les propositions françaises, elles n'apporteraient qu'une réponse partielle au problème du cyberjihadisme.
A la différence de la France qui souhaite bloquer l'accès aux sites de propagande, le Royaume-Uni avait proposé en janvier une mesure qui toucherait les communications sur le web. David Cameron s'était attaqué au chiffrement sur internet, un procédé qui consiste à masquer le contenu d’une communication. Le premier ministre britannique avait déclaré qu'il souhaitait que les géants du web sauvegardent puis transmettent des données aux agences du renseignement. La proposition avait provoqué l'indignation de certains observateurs qui y voient une menace pour la vie privée des internautes.
Anne-Claire gross