19 décembre 2007
La révision à mi-parcours des perspectives financières 2007-2013 sera un des grands enjeux de la Présidence française. Mais elle ne se conclura pas avant 2010.
«Le système de ressources propres de l’Union européenne n’est ni clair ni juste, clame Alain Lamassoure, il encourage les égoïsmes nationaux et son esprit est anti-communautaire». Pour le président de la commission des budgets du Parlement européen «une réforme est nécessaire et urgente». Sylvie Goulard, ancienne conseillère de Romano Prodi à la Commission européenne, abonde dans son sens : «L’Europe en est encore à la préhistoire au niveau budgétaire».
A l’origine basé essentiellement sur les droits de douanes perçus aux frontières extérieures de l’Union, le budget communautaire a dû évoluer et faire de plus en plus appel aux contributions nationales. Aujourd’hui, seulement 15% des recettes sont assurées par les droits de douanes et droits agricoles, le reste des fonds provenant de prélèvements nationaux. D’une part des prélèvements sur le revenu national brut (RNB) à un taux uniforme théorique de 0,73%, et d’autre part, des prélèvements sur la TVA perçue dans les Etats membres. Mais le montant des contributions nationales est constamment l’objet d’âpres négociations. Avec la question sensible du «chèque britannique», rabais obtenu en 1985 par Margaret Thatcher, le système est devenu «très complexe» pour reprendre les mots de Michaël Christophe, adjoint au chef de la cellule de la présidence française de l’Union européenne. «Aujourd’hui, avec ce système, nous avons autour de la table non pas une Madame Thatcher mais vingt-sept» déplore Alain Lamassoure.
En finir avec le «poison du juste retour»
Le réexamen des perspectives financières (2007-2013), qui interviendra au second semestre 2008 sous présidence française, sera l’occasion d’aborder cette délicate question des recettes de l’UE. Si Nicolas Sarkozy a déclaré qu’il fallait contribuer plus au budget de l’Union, peu d’Etats membres sont au diapason du président français.
Pour Alain Lamassoure, par ailleurs secrétaire national de l’UMP en charge des questions européennes, il faut en premier lieu s’attaquer au mode de financement du budget commun. Et ce, pour deux raisons. Tout d’abord parce que les finances publiques nationales sont en déficit. Aucun gouvernement n’est ainsi prêt à augmenter ses impôts ou son endettement pour financer les politiques communautaires. Ensuite, car le système actuel encourage les calculs égoïstes. Ce que Jacques Le Cacheux, professeur d’économie au Collège des Hautes Etudes Européennes, qualifie de «poison du juste retour». Selon lui, les Etats déterminent leurs contributions au budget en fonction de ce qu’ils peuvent recevoir en retour de l’Union, dans une logique purement comptable.
Pas d’accord global avant 2010
Aujourd’hui, comme l’explique Michaël Christophe, le consensus semble donc acquis autour de la nécessité de réformer le mode de financement du budget européen. Suite à sa consultation publique lancée en septembre, la Commission européenne publiera un rapport en 2008. Côté français, la présidence de l’Union sera l’occasion d’impulser des pistes pour une réforme.
Mais pas question pour Alain Lamassoure de parler d’impôt européen. Il envisage une réforme en deux phases. Dans un premier temps, clarifier le système actuel en revenant à un seul critère d’évaluation des richesses nationales, le PIB, et inviter les Etats à payer la même proportion de leur PIB, sans exception ni rabais. Dans un second temps, il s’agirait de trouver de nouvelles ressources à affecter directement au budget européen et ne transitant pas par les budgets nationaux. Une des options serait de piocher dans des impôts nationaux existants pour transférer tout ou partie de ces impôts au budget européen. Pour le député européen, il pourrait être envisageable de prélever sur les impôts que payent les sociétés. En contrepartie, les contributions nationales disparaîtraient progressivement.
Le débat sera véritablement lancé à partir du mois d’avril lorsque la consultation publique sur le réexamen du budget sera close et que la Commission esquissera ses propositions. Mais le processus de réforme sera long, comme l’explique Alain Lamassoure : «La présidence française devrait être en mesure de lancer le débat politique, mais sur un sujet aussi délicat, il ne faut pas s’attendre à un accord global avant la mise en place du nouveau Parlement et de la nouvelle Commission, donc au plus tôt début 2010, pour une application en 2013».
Fabien Benoit
Depuis septembre, Paris et Bruxelles ont affirmé de concert la nécessité de poursuivre la réforme de la Politique agricole commune (PAC) afin de préparer l’après-2013. Le désaccord est en revanche flagrant sur le futur, et la place que pourrait alors y tenir la préférence communautaire.
Le 11 septembre, veille du jour où la Commission devait lancer sa consultation sur le bilan de santé de la PAC, Nicolas Sarkozy appelait à Rennes à "une nouvelle ambition pour l'agriculture en France et en Europe". Il y avançait quatre principes fondamentaux pour une PAC renouvelée: assurer l'indépendance et la sécurité alimentaire de l'Europe, contribuer aux équilibres alimentaires mondiaux, préserver les équilibres des territoires ruraux, participer à la lutte contre les changements climatiques et à l'amélioration de l'environnement.
Il y réclamait notamment un renforcement de la protection communautaire contre "le dumping environnemental, le dumping social, le dumping fiscal, et maintenant le dumping monétaire". Une exigence répétée, depuis, par Michel Barnier , le ministre de l’Agriculture et de la Pêche,.et qui devrait être réaffirmée à l’issue de la deuxième phase des Assises de l’Agriculture, en janvier prochain.
Vigilance à l'OMC
La Commission martèle de son côté qu’elle ne compte pas renforcer la préférence communautaire au sens où l’entendent les Français. Michael Mann, porte-parole de la Commission pour l’agriculture et le développement rural, estime que «l’établissement de barrières protectionnistes, que réclame la France, est contraire aux intérêts des agriculteurs européens, qui pourraient plus difficilement acheter des matières premières et écouler leurs production hors Europe».
Pour Jean-Christophe Legris, délégué adjoint aux affaires agricoles de la représentation permanente de la France à Bruxelles, «la préférence communautaire, qui était à la base de la PAC, est un concept que la Commission a perdu, notamment Peter Mandelson [commissaire au commerce, ndlr], qui ne défend pas assez la souveraineté alimentaire de l’Europe dans les négociations avec l’OMC. La France doit rester vigilante».
En mai 2008, sous présidence slovène, les mesures envisagées par la Commission pour le «bilan de santé» de la PAC, qui préconisent entre autres la suppression des quotas laitiers, donneront lieu aux premières propositions législatives. Elles seront discutées dès le début de la présidence française.
L'ambition est d'aboutir aboutir à une série d'accords politiques sur ces propositions avant la fin décembre.
Roman Bernard, à Bruxelles