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Du Conseil européen à la conférence des filières ovines...


19 décembre 2007

 

C'est la règle, la France assumera le financement des activités liées à sa présidence. 190 millions d’euros ventilés dans le détail. Et des comptes à rendre.

«Ça y est, c’est terminé.» Soulagée, Irina Boulin Ghica. L’auteur du budget de la présidence française en a fini, fin novembre, avec la répartition des 190 millions d’euros alloués par le gouvernement pour financer la présidence.
Elle n’a eu qu’un mois pour ventiler ce pactole entre les postes de dépenses. Il servira à financer les sommets, conférences, rencontres interministérielles, mais aussi les fêtes publiques (voir infographie ci-dessous). Sans parler de l'accueil des chefs d'Etat et de gouvernement, des ministres et de leurs cabinets, des traducteurs, conseillers, techniciens, et journalistes à transporter, loger et nourrir. Lors du sommet européen de Lisbonne de novembre dernier politiques et journalistes représentaient environ 3000 personnes!
Des paramètres qu’Irina Boulin Ghica devait garder en tête lorsqu’elle composait le budget dans l'urgence. Le 20 juin, elle appelle son supérieur direct, Claude Blanchemaison, secrétaire général fraîchement nommé. Mais auprès de lui, aucun bureau n’est disponible. Du coup, difficile d’accéder aux informations, d’autant plus qu’on est en plein été... et qu’elle prépare un budget pour la première fois.
Elle parvient cependant à glâner quelques conseils auprès de la direction financière du Quai d’Orsay. Et rend sa copie dès le 2 août. Mais le 3 septembre, c’est le blocage. Le projet, validé par Matignon et Bercy, est recalé par l’Elysée à quelques jours de l’envoi sous presse des documents.
C'est que la prudence est de mise. Car il y a sept ans, la Cour des comptes a épinglé les comptes de la présidence française, lui reprochant de ne pas avoir centralisé la gestion des dépenses. A l’époque, les dépenses avaient été affectées aux ministères. Seules celles relevant du Quai d’Orsay avaient figuré dans les rapports d'exécution. Cette fois-ci , le secrétariat général centralise tout.

Vingt versions en deux jours

En quarante-huit heures, Irina Boulin Ghica assure avoir dû refaire une vingtaine de versions de son budget. Le 5 septembre: feu vert! et le début une autre étape. Bercy, Beauvau, la chancellerie... tous les ministères sont auditionnés un par un. «Chacun est venu nous présenter ses manifestations, ses conseils informels.» Plus de 150 réunions qui vont du dîner du 14-Juillet organisé à l’Élysée avec les chefs d’État et de gouvernement à la conférence des filières ovines, en passant par des états généraux du plurilinguisme, un colloque sur la biodiversité ou une conférence ministérielle sur les Droits de l’homme.
Chaque audition permet d’affiner le budget, et d’attribuer à chacun une somme rattachée à des événements déterminés. Pas question d’ouvrir un guichet dans lequel chaque ministre pourrait venir piocher au gré de ses projets.

Examen parlementaire

En parallèle, il faut répondre aux questions des parlementaires. Car les critiques fusent. En commission, les sénateurs reprochent au budget d’être trop flou, et trois fois supérieur à celui de la présidence de 2000. «C'est comparer l'incomparable, argumente Irina Boulin-Ghica. Nous sommes passés de 15 à 27 pays, les compétences de l’Union ont augmenté depuis le 11 septembre et enfin il y a eu le passage à l’euro.»
Les parlementaires reprochent également au budget français de dépasser largement celui des autres présidences de l’Union. Irina Boulin Ghica rétorque : «La seule présidence comparable, c’est la présidence allemande. Et eux ont dépensé 180 millions d’euros au niveau fédéral, sans compter les dépenses engagées par chacun des Länder!»
Fin novembre, le défilé des ministères s'achève. «Pour l’instant, c’est bouclé, prévient Irina Boulin-Ghica. Chacun sait ce qu'il peut dépenser. On n’attribue plus d’argent à de nouvelles manifestations. Il y a encore des gens qui viennent nous voir pour organiser des événements. Mais c’est trop tard.» Avant de tempérer : «Des ajustements seront possibles. Exceptionnellement.»
Début décembre, 80% des sommes étaient débloquées. Les 20% restants seront disponibles en avril. En signant sa convention, chaque ministère s’est engagé à faire un point mensuel avec le secrétaire général sur l’avancée des manifestations.
D'ici là, le premier examen parlementaire a finalement été passé avec succès. Le budget de la présidence française, inclus dans la loi de finances pour 2008, a été adopté le 18 décembre par l’Assemblée nationale.

Loup Besmond, à Paris

La panique du deadline

Décrit comme le summum de l’impréparation, la présidence française de 2000 avait abouti à l’épisode du traité de Nice. Consciente qu’une préparation rigoureuse est la garantie d’une présidence réussie, la présidence de 2008 entend se rattraper. Il reste pourtant bien des choses à régler d’ici le mois de juillet.

Une préparation ralentie par les élections françaises

La présidentielle et les législatives ont imposé à la France un calendrier spécifique. «La campagne a considérablement ralenti la préparation», estime un haut fonctionnaire. Les priorités de la présidence n’ont été connues que fin août lors de la conférence des ambassadeurs. Consciente du retard qu’impliquaient des élections en juin 2007, la France avait pourtant réussi à faire décaler sa présidence de six mois. Si le calendrier initial avait été respecté, elle aurait dû présider l’Union européenne à partir de janvier 2008.

L’équipe du site Internet à recruter

Début décembre, le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE) recrutait l’équipe éditoriale. L’appel d’offres pour la réalisation d’un prototype du site Internet a été émis... en octobre 2006. Prévu en cinq langues, le site sera un outil essentiel de la présidence française. «Nous recherchons entre cinq et dix personnes pour l’équipe éditoriale, y compris le webmestre, le rédacteur en chef et un adjoint», explique Michaël Christophe, du Secrétariat général des affaires européennes. Cependant, rien n’est encore fixé pour le moment. Il se pourrait que de la vidéo y soit aussi intégrée.

1000 fonctionnaires à former...

...Et à sensibiliser aux grands enjeux de la présidence. Le chiffre a été établi par le SGAE dès l’an dernier. Soit 800 fonctionnaires des ministères directement concernés par la présidence française, plus 200 personnes de la Représentation permanente de la France à Bruxelles. Pour les former, une journée de sensibilisation est organisée tous les mois, depuis mars. Elle est axée autour de quatre thèmes: l’enjeu de la présidence, les relations entre Conseil, Parlement et Commission, le rôle du Parlement européen, et les aspects logistiques.

Un logo à choisir

Un appel d’offres a été lancé l’été dernier pour choisir le logo de la présidence française. L’appel d’offres a été doté de 60 000 euros. A partir des résultats arrivés cet automne, Nicolas Sarkozy en personne a opéré une première sélection. Mais on n’en sait pas plus. L’Elysée a demandé à une entreprise d’affiner sa proposition.

Rattrapés par les autres

Dans les couloirs du Quai d’Orsay, on l’avoue volontiers: «Les Suédois en sont au même point que nous dans leur préparation», alors que la Suède présidera le Conseil de l'Union un an après la France. Quant aux Tchèques, qui succéderont à la France, ils ont déjà un slogan («L’Europe sans barrière»). Un message auquel la France a quasiment renoncé. Trop réducteur, craint-on. Si le calendrier des événements organisés par Prague n’est pas officiellement dressé, on sait déjà qu’il y aura 11 conseils des ministres et plus de 140 rencontres informelles.

Un temps de travail amputé

Un des défis pour les Français est de concentrer plus de 150 réunions en quatre mois et demi. En effet, en août, aucune session ne se tient à Strasbourg, et l’activité gouvernementale tourne au ralenti. Quant au mois de décembre, «tout le monde sera uniquement préoccupé par la tenue du Conseil européen», explique Claude Blanchemaison, le secrétaire général de la présidence.

Des lieux à réserver

Dans une note interne diffusée fin novembre, le Secrétariat général de la présidence française de l’Union européenne (SGPFUE) a demandé aux ministères de prendre des options et de réserver dès que possible les centres de conférence, les hôtels, les moyens de transport et les hébergements afférents aux manifestations qu’ils organisent dans le cadre de la présidence. «Pour des raisons d’économie, est-il précisé, le SGPFUE recommande de recourir, dans la mesure du possible, à des bâtiments publics.»

Des structures créées tardivement

En juin, le SGAE s’est doté d’une cellule consacrée à la présidence française. Le SGPFUE a quant à lui été créé au mois de juin. Les deux structures disparaîtront quelques mois après la présidence. Malgré ce retard, «la mobilisation est très forte, explique Michaël Christophe, de la cellule présidence française du SGAE. Nous sommes en ordre de bataille.»

L. B.

Le Parlement français représenté à Bruxelles

Tous les lundis matin, Anne Marquant se rend dans son bureau du Parlement européen à Bruxelles pour assister à la réunion des représentants des parlements nationaux. Elle est l’administrateur du Sénat français à Bruxelles depuis décembre 2005. Avec son homologue de l’Assemblée nationale Frank Baron, nommé en octobre 2007, elle assure les contacts entre les deux chambres parlementaires françaises et celles des autres pays européens. «Tous les représentants des pays membres n’ont pas le même statut. Certains sont engagés pour une période définie, d’autres n’ont pas quitté le poste depuis sa création.»
Pendant la présidence française, les deux postes avancés participeront aux rencontres organisées par le Parlement français avec les parlements des 26 autres États membres et le Parlement européen. Celle de la COSAC qui réunit les commissions parlementaires spécialisées sur les affaires européennes aura lieu à Paris. Elle devrait se tenir en novembre 2008.

Principale mission : envoyer les rapports de l’UE à Paris

Les deux administrateurs du Parlement français travaillent dans des bureaux côte à côte à Bruxelles. Leur principale mission consiste à faire un premier tri entre les dossiers traités à Bruxelles avant d’envoyer les rapports à Paris. «Il ne faut pas inonder le Sénat avec des mails de Bruxelles», prévient Anne Marquant. Quand un parlementaire travaille sur une question et souhaite trouver un interlocuteur, c’est également à eux deux de fixer les entretiens, louer le minibus et réserver le restaurant. En moyenne, ils organisent chacun une mission de parlementaires par semaine à Bruxelles. «La semaine dernière sur le dossier énergie, j’ai organisé quatre groupes de députés français qui sont venus à Bruxelles», explique Frank Baron. Anne Marquant se rend régulièrement à Paris. «J’y suis deux jours par semaine. Il est important de ne pas s’isoler à Bruxelles. Quand je suis à Paris, je me rends compte qu’au Sénat, tout ne tourne pas systématiquement autour de l’Europe.»

Maud Czaja, à Bruxelles

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