Vous êtes ici

Le module est validé, il peut être inséré dans un article pour être consulté par les internautes.

"Un nouveau public" pour les commerces

Le changement de profil des habitants se ressent aussi au niveau des activités. L’ouverture de la brasserie Le Tigre rue du Faubourg-National, en décembre 2018, en atteste. Vigile à l’entrée le soir, décoration faste à l’intérieur et bière brassée sur place : l’établissement a de quoi attirer "un nouveau public", pour le maître des lieux, Geoffroy Lebold. Une clientèle où se mêlent habitants du centre-ville et du quartier gare. "Certains tout petits commerces disparaissent, relève Philippe Dierstein. Comme le secteur se développe avec des personnes ayant davantage de moyens, des commerçants vendent des produits en adéquation avec cette clientèle, ce qui dynamise la zone."

Deuxième vague de gentrification

Valérie Lozac’h, professeure à Science-po Strasbourg, s’est installée dans le secteur gare en 2006 et a acheté un bien avec son compagnon dix ans plus tard : "Nous voulions habiter dans le centre-ville et c’était le seul quartier accessible financièrement." Un témoignage symptomatique, si l’on en croit Philippe Dierstein: "Quand j’ai commencé en 2006, le quartier était secondaire, mal vu. Petit à petit, entre la Ville, qui a investi beaucoup pour améliorer la qualité de vie, et l’arrivée du TGV, en 2007, le quartier est devenu une alternative pour des gens qui n’ont pas les moyens du centre-ville mais qui ont des revenus confortables."

Valérie Lozac’h appartient à la deuxième vague de "gentrification" venue dans le sillage des artistes et intermittents du spectacle présents autour de la gare depuis la fin des années 1980, avec la création de l’espace Molodoï notamment. Ces "CSP+" se détournent de la banlieue résidentielle et s’implantent dans les anciens quartiers populaires. Du côté de la gare, la proportion de cadres dans la population des 20-64 ans est passée de 15,4% à 23,1% entre 2006 et 2016, selon l’Insee². Dans le même temps, celle des ouvriers est tombée de 13,7% à 11,4%. Comme l’observe la journaliste Myriam Niss, membre de l’Association des habitants du quartier gare et qui y a emménagé il y a trente ans, la gentrification est "lente" et "partielle".

Structurer la filière

À un autre échelon, au Meltdown Bar, dans la Petite France, des tournois Smash Bros sont organisés une fois par semaine. À l’ouverture de l’établissement en 2015, des compétitions se tenaient tous les jours. Pour redonner un élan esportif à son bar, le gérant, Marco Duba, se tourne vers les associations étudiantes. Il veut mettre en place des tournois avec le pôle gaming de la faculté de médecine ou avec le bureau des élèves de l’Ecole de management de Strasbourg. "Et pourquoi pas créer une ligue étudiante pour les facultés et écoles à Strasbourg à la rentrée", imagine Marco Duba.

Les acteurs du jeu vidéo ont pour projet de se constituer en association afin de se faire entendre auprès de l’Eurométropole et avoir accès à des subventions. Ils peuvent compter sur le relais de Jonathan Bodin, chargé de mission industries créatives. "L’esport permet de faire briller le territoire et d’attirer les compétiteurs pour monter des événements importants. On a une position géographique intéressante pour faire des compétitions européennes", estime ce dernier. L’esport pourrait ainsi devenir un vecteur de rayonnement numérique pour la cité.

Claire Birague

En 2019, 7,3 millions de personnes ont regardé de l’esport sur différentes plateformes ou lors d’un événement selon Médiamétrie et France Esport. Les événements esportifs se multiplient sur le territoire français, dont une vingtaine durant le premier semestre 2020. Strasbourg n’échappe pas à cet engouement et s’impose avec le festival Start to Play installé depuis 2016. À l’initiative de l’association Ludus Event, il est le premier festival dédié aux jeux vidéos et à l’esport dans la capitale alsacienne. Ce rendez-vous annuel a rassemblé environ 4 000 visiteurs en 2019. "Il manquait quand même quelque chose pour créer une dynamique à l’année autour de l’esport, déclare Mathieu Bernhardt, responsable de Ludus Event. C’est pourquoi on a collaboré avec l’Esport Club Strasbourg pour créer un circuit esport sur plusieurs dates, le Strasbourg Esport Tour."

La montée en gamme de ce secteur de Strasbourg renforce son attractivité et, dans le même temps, fait grimper les cours de l’immobilier. Philippe Dierstein, agent chez Beausite Immobilier, tient un exemple éloquent : "J’ai vendu un bien en 2017 à 3100 euros/m². Après travaux, celui-ci a été revendu trois ans plus tard 3800euros/m². Montant des travaux exclu, cela fait une plus value de 10% en trois ans!" Sur les cinq dernières années, les prix du m² ont gonflé de 17%¹. Une hausse expliquée, en partie, par l’afflux de ménages aisés.

L’extension de la ligne F du tram accélère la transformation du quartier gare, dernier bastion populaire de la petite couronne.

Silence, ça pousse ! Rue du Faubourg-National, la voie engazonnée sera prête pour une mise en service de la nouvelle ligne du tramway programmée cet été. L’extension de la ligne F ralliera Koenigshoffen par le boulevard de Metz et la route des Romains. Une transformation d’ampleur pour le quartier gare : une station de tram supplémentaire, moins de places de parkings, plus d’arbres et d’espaces verts, des pistes cyclables. 42 millions d’euros d’investissements publics - sans compter les aménagements des places Sainte-Aurélie et de la Porte-Blanche en bordure du tracé - qui marquent une nouvelle étape de l’embourgeoisement du quartier gare.

De nouveaux lieux de jeu

À 31 ans, Quentin Naegelen n’est pas le premier à vouloir investir dans l’esport au sein de l’Eurométrople. Jordan Christmann, alias "FalkoPlay" et président de l’Esport Club Strasbourg, s’est lancé en 2018. Le club n’a pas de local mais les joueurs se rassemblent lors de tournois sous le même maillot. Samir Sebai, champion d’Alsace du jeu FIFA 20, est membre de l’Esport Club qui compte une cinquantaine de licenciés. Grâce à cette structure associative, il bénéficie de l’aide d’un coach et d’un planning d’entrainement. "On se sent mieux aidé et encouragé avec une équipe derrière soi", explique-t-il. Il va, lui aussi, se lancer dans le privé avec la création de l’Esport Gaming Arena qui doit s’installer au centre-ville de Strasbourg avant la fin de l’année. Cette dernière sera destinée aux joueurs pour le loisir. Il ne se voit pas comme un concurrent de Quentin Naegelen. "On travaillera ensemble en organisant des événements, son arène contre la mienne", assure Samir Sebai.

Il remporte le championnat du monde par équipe en tant qu’entraîneur de l’équipe internationale Begrip en 2008.

Avec l’Alsace Esport Arena, Quentin Naegelen propose aux équipes semi-pro de louer une salle d’entrainements : le Boot Camp, unique en son genre à Strasbourg. Six PC, une télévision écran plat et un tableau blanc leur permettront d’analyser leurs jeux pour s’améliorer. "J’avais envie de créer un club pour leur proposer les mêmes infrastructures qu’une équipe pro mais temporairement et selon leur besoin", explique-t-il. Cette salle pourra être louée et le reste de l’Arena sera accessible aux particuliers avec un tarif à l’heure ou un abonnement au mois.

Dégommer des adversaires virtuels, jouer en ligne : l’esport a la cote. Des passionnés créent des lieux spécialisés pour les amateurs de ce genre sportif numérique.

[ Plein écran ]

1,3 million de Français jouent régulièrement aux compétitions en ligne selon Médiamétrie et France Esport © Claire Birague

Pages