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Blase a la lourde tâche d’ouvrir la soirée. Des premiers rires timides résonnent dans le bar. Il fait monter l’ambiance crescendo avec son humour macabre. Tangé fait le pitre, il débarque sur scène, soutiens-gorge sur le visage, son masque pour “se protéger du coronavirus”. Au programme de la soirée, six artistes dont un invité. Dans le public, des jeunes et des moins jeunes, des couples et des groupes d’amis, des habitués du lieu et des nouveaux, savourent ce moment, verres en main.
S'inspirer du quotidien
“Je prends beaucoup de notes sur mon téléphone au fil de la journée, je m’inspire de mon quotidien, de l’actualité. Puis je me pose une après-midi dans la semaine pour écrire mon texte”, raconte Ouutch, Alexis Schneider de son vrai nom. Guest de la soirée, il a commencé le stand-up il y a tout juste un an, fortement inspiré par Jamel Debbouze. Sur scène, il crée très vite une symbiose avec son public, taquine, se confie, tacle. Il parle de sa vie avec sa petite amie comme de viol ou de pédophilie. Son humour décomplexé séduit le public.
Mecredi 11 mars, 20h30 au Bercail, un bar de la Petite France. La serveuse fait le tour des tables pour dire que le service s’arrête, par respect pour les artistes. “Vous pouvez toujours venir au comptoir si vous voulez un truc à boire ou à manger”, glisse-t-elle aux spectateurs. Bancs en bois et chaises rouges sont alignés devant une petite estrade. Le show peut commencer.
Sans artifice ni décor
Frédéric North, fondateur du collectif, est en charge de la présentation ce soir. Formé en juin dernier, le St’Up rassemble sept artistes, une bande de copains humoristes, tous passionnés de stand-up. Le concept est simple : microphone en main, chacun a une dizaine de minutes pour faire rire le public, sans artifice vestimentaire ou décor. “Le stand-up est très différent du sketch, on s’adresse directement au public sans faire intervenir de personnage fictif. Au début, on a tendance à se baser sur des sketches, mais au fur et à mesure on commence à lâcher un peu prise et chacun de nous trouve son propre univers”, explique Fred North.
Le confinement est plus difficile à accepter pour d’autres. Louise Crahé, qui vient de finir ses études d’assistante vétérinaire, “le vit mal. J'ai besoin d'être entourée mais je n'ai pas pu retrouver ma famille, explique-t-elle. Mon sentiment profond, c'est de la colère.” Pas à cause du virus, mais en raison du comportement des gens qui sortent encore. Pour cette Strasbourgeoise, le gouvernement français n’a pas pris assez tôt la mesure de la situation. Alors pour se changer les idées, Louise Crahé a rejoint un collectif d’artistes sur Instagram. Sous le nom “quarantaineartistique”, le compte propose de partager des œuvres d’amateurs en ligne.
"Il y a vraiment des différences entre la Chine et l’Occident et la plus notable est le port du masque"
Etudiant en informatique à Strasbourg, Mathieu Brisset, 22 ans, était en stage à Chengdu, en Chine, lors du début de l’épidémie. Confiné à présent à la Wantzenau, il compare la France à la Chine.
“La crise a commencé au début des vacances chinoises (fin janvier) et de nombreux commerces, transports, ont été fermés et supprimés (dont mon vol retour). Les villes se sont vidées. Il y a eu des contrôles de température partout et le port du masque est devenu obligatoire dans certains endroits. Je vivais seul et n’aimais pas faire la cuisine. J’essayais de sortir de temps en temps et de manger dans les rares fast-foods ouverts. J’ai eu l’occasion de discuter avec des amis à l’extérieur avant de partir, mais très peu de personnes osaient sortir. Je n’ai eu quasiment aucune consigne ou information à mon retour. Il y a vraiment des différences entre la Chine et l’Occident et la plus notable est le port du masque. Ce n’est pas habituel en France tandis qu’en Asie c’est fréquent de croiser des personnes qui en portent, c’est culturel. Durant mon vol retour, j’ai porté un masque et j’ai eu une correspondance à Copenhague. Je devais être le seul Blanc qui en portait, tout le monde me regardait. Il y a aussi une certaine discipline accompagnée d’un autoritarisme différent entre la Chine et l’Europe. On n’aurait jamais imaginé mettre en quarantaine des régions en Europe car on a une certaine philosophie de liberté individuelle. Il a fallu attendre la quarantaine en France pour que les gens commencent à comprendre que c’est sérieux.”
Et puis il y a ceux qui en profitent pour se lancer dans de nouveaux projets. Alya Soydinc, étudiante en master de littérature à Strasbourg, rêve d’ouvrir enfin une chaîne Youtube : “J'y pense depuis des mois, je ne savais pas par où commencer !” Avant d’ajouter : “Dès que ce sera fini, je vais avoir une nouvelle vie !” Quant à Xavier, s’il reste conscient de la gravité de la situation, pas question de perdre sa bonne humeur : “Pour la Saint-Patrick, on a fait un Skype avec des copains pour boire des bières ‘ensemble’ ! Je rigole de la situation, ça emmène des choses drôles comme les policiers qui protègent le papier toilette…”
Infirmière en attente de mission
Dini Anggraini Sianturi, en master de l’éducation, compte bien se servir de cette période pour enfin écrire son mémoire, dont le thème “L'influence des plateformes pédagogiques sur la motivation des étudiants” semble en parfaite adéquation avec l’actualité. Car si les universités sont fermées, les cours continuent. Ou presque. Dans toutes les facultés et écoles de Strasbourg, les élèves doivent étudier par l’intermédiaire des plateformes numériques. “Certains professeurs ont mis leurs diaporamas sur internet”, explique Martin Balzinger, en 3e année de Sciences de la vie à Strasbourg. Il regrette le manque de cours vidéo. Mais quand ils sont proposés, difficile, parfois, d’être assidu. Xavier, étudiant en école d’ostéopathie à Strasbourg, ne s’est pas réveillé pour son cours de sémiologie des affections psychiatriques du mercredi 18 mars à 8h30.
La crise sanitaire accélère aussi la formation pratique des jeunes en formation médicale, comme Pauline Grégory, en deuxième année d’école d’infirmière à Brumath. Cette Marseillaise devait rentrer dans le Sud avant l’annonce du confinement. “Mais mon école a demandé à ce qu’on aille en mission de soins à l’hôpital”, précise-t-elle. Face au manque de personnel hospitalier, la jeune étudiante de 23 ans assurera donc la continuité des soins pour les patients, probablement en avril. Redoublante, Pauline Grégory a déjà réalisé ses stages l’année dernière. Ses camarades sont envoyés sur le terrain en priorité, les missions de soins étant considérés par son école comme des stages. Elle reste donc chez elle dans son appartement en attendant d’apporter son savoir-faire, une nécessité “pour aider les blouses blanches”.
Marylou Czaplicki
De l’autre côté de la frontière, en Allemagne, où de nombreux étudiants alsaciens suivent leur formation, le confinement a d’abord été flou, lointain. Avant de devenir concret, tout à coup, quand les frontières ont fermé du jour au lendemain. Ce qu’a vécu Emma, étudiante en école de kinésithérapie. En l’absence d’une réponse claire de la part de ses enseignants sur le maintien des cours en présentiel, elle décide exceptionnellement de retourner chez elle en voiture à Brumath, avec une amie, le samedi 14 mars. “Au début on voulait prendre le train mais les prix avaient doublé, les bus étaient déjà bondés ou annulés, affirme l’étudiante. Le lendemain on a appris que les frontières allaient être fermées. On s’est jeté sur nos téléphones pour appeler nos amis français qui n’avaient pas voulu nous suivre.”
“C’est comme si j’étais en vacances à durée indéterminée”
Marine Schicklin, étudiante en STAPS, est rentrée chez ses parents à Colmar pour le week-end. “Je pensais pouvoir retourner à Strasbourg mais c’est loupé”, plaisante-t-elle. Au lendemain des premières annonces du 16 mars, le confinement ne lui faisait pas peur : “C’est comme si j’étais en vacances à durée indéterminée. J’habite près de la forêt donc je peux aller courir. J’ai juste peur que trop de gens fassent comme moi. J’ai aussi le temps de faire pleins de choses comme peindre. Pour le moment je suis heureuse d’être en confinement. J’espère que je le serais toujours d’ici quelques jours...” Elle s’est même lancée dans la conception d’un journal, persuadée que “cette année 2020 restera dans les annales ”.
Au revoir les tcheks avec les amis, les embrassades et les rassemblements. Depuis le 16 mars, la France est confinée.
En Alsace, les étudiants s’adaptent. Rester seul ou en famille, relever de nouveaux défis ou tester de nouvelles activités, à chacun son confinement.
“Je suis rentrée chez mes parents à Haguenau dès le vendredi. Je ne voulais pas rester seule dans 30m² pendant des semaines”, tranche Elise Martin. Pour cette étudiante en école d’orthophonie à Strasbourg, hors de question de vivre un confinement en solitaire. La Haguenovienne en profite pour achever un puzzle de 5000 pièces entamé durant les fêtes de Noël.
Xavier, étudiant en ostéopathie, se souvient “qu’au début je ne mesurais pas bien l'ampleur du problème”. Depuis, il a fait le choix de vivre son confinement seul à Strasbourg, là où il se sent “le plus chez lui”. Lui qui sort beaucoup en temps normal voudrait tant “voir un ami proche pour ne pas s’isoler et faire du sport ou encore cuisiner”.
L’initiatrice de Radio Clito, Raphaëlle Garcia, donne de la voix pour parler de sexualité féminine.