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Éducateur spécialisé, médiateur et coach de boxe, Hamed Ouanoufi est une référence pour les adolescents de la Canardière. Natif du quartier, il s’est donné pour objectif de garder la jeunesse sur le bon chemin.

"Regarde ce qu’on a écrit pour toi sur le mur !" Au Centre socioculturel (CSC) de la Meinau, des jeunes filles se rassemblent autour de Hamed Ouanoufi, sourire aux lèvres. Elles lui montrent une photo où l’on peut lire "Hamed le plus beau" écrit à la craie. Éclats de rires immédiats de l’intéressé, flatté de cette attention. Jamais sans son survêtement noir et ses baskets blanches, il coordonne le secteur jeune du CSC depuis dix-huit ans, après avoir mené une carrière de boxeur professionnel.

Natif de la Canardière, l’homme de 46 ans "connaît les codes des jeunes" puisqu’il était à leur place il y a quelques années. Lui aussi a été un adolescent difficile. "J’ai pris des chemins de traverse, j’ai fait les quatre cents coups", commente le coach de boxe.

 

Il y a encore l’odeur du kérosène dans les cheminées, c’est imbibé dans les murs, souligne Paola Guigou, photographe installée dans “le Junkers”. Au 33, rue du Maréchal-Lefebvre, ce bâtiment de briques rouges de 4000 m2 attire l'œil. Ses douze tours carrées de 11 mètres de haut surplombent le paysage de tôle qui compose la zone industrielle de la Plaine des Bouchers. A leur pied, un verger où se retrouvent les salariés à l'arrivée des beaux jours. Autour, des camions de chantier vont et viennent là où autrefois des voitures étaient testées. 

Au début du XXème siècle, l’Alsacien Émile Mathis y installe ses usines de construction automobile. Employant jusqu’à 15 000 travailleurs, la marque Mathis devient dans les années 1930 le quatrième constructeur automobile français derrière Renault, Citroën et Peugeot. La Plaine des Bouchers est alors le symbole du dynamisme industriel de Strasbourg.

Un pari sur l'avenir 

Les nouveaux habitants de la Canardière veulent croire en la redynamisation en cours. "Dans dix ans, le quartier sera entièrement neuf. Tout va se transformer", promet Arnaud Dessinais à chacun de ses rendez-vous avec de potentiels acheteurs. Acheter à la Canardière devient alors un investissement sur le long terme pour ces primo-accédants. "Dans 8-10 ans, le quartier aura pris de la valeur, et on verra vraiment les changements", prédit Anne Cuvillier. Mais elle n’a pas encore le temps de s’enthousiasmer. Ses enfants l’appellent, c’est l’heure des devoirs. 

Paul Ripert et Élise Walle

Sur scène, quatre chanteurs, un guitariste, un batteur et un pianiste. Dans l’assistance, plus de 600  personnes dansent et chantent en chœur. Ce n’est pas un concert de rock mais bien la messe dominicale de l'Église de Pentecôte internationale de Strasbourg (Epis), implantée à la Meinau depuis 1990. Située rue des Frères-Eberts, elle a des airs de hangar désaffecté. Mais tous les dimanches, son culte attire tellement de fidèles que les bénévoles doivent faire la circulation. 

À Strasbourg, on compte 16  églises évangéliques, dont cinq sur la seule Plaine des Bouchers. Cela équivaut à une église pour 373 habitants, contre une pour 18 161 habitants sur l’ensemble de la ville. Il paraît surprenant qu’un quartier constitué d’industries concentre autant de lieux de cultes qui, pour la plupart, appartiennent au courant pentecôtiste. 

"Il n’y avait aucune salle qui pouvait nous accueillir sur Strasbourg"

     

"Il y a des gens qui viennent tous les jours ! C’est des tarés ! Il y a de la neige, -12°C… même -25°C, ils seront là", plaisante Tsubasa*, un agent de sécurité engagé depuis deux ans au Racing club de Strasbourg Alsace (RCSA). Ces inconditionnels des entraînements de l’équipe professionnelle, le vigile les connaît bien. "Tiens voilà, c’est eux ! Jacky, Jean-Michel, Christian et Jean-Paul !" À quelques minutes du début des entraînements, fixé le plus souvent à 10 h 30, ces habitués patientent devant le portail du Centre de performance Racing Soprema Parc, qui jouxte le stade de la Meinau. Casquette du RCSA sur la tête, Jean-Michel, fidèle depuis 40 ans, est de retour après un mois d’absence. "Ça n’a pas de rapport avec les résultats moins reluisants de l’équipe, ni au rachat du club par BlueCo, tient-il à préciser. C’est lié à mon calendrier de travail."

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La pagaille au croisement avenue de Colmar, rue du Languedoc et rue du Rhône. © Léa Oudoire

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Comme chaque jour de semaine, plusieurs dizaines de personnes descendent du train de 7 h 24 en provenance de Sarreguemines. © Camille Fraioli 

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La Canardière attire aussi en raison de sa proximité avec le lieu de travail. C’est le cas pour Salima Brik, chargée de prestations à la ville de Strasbourg, qui a acheté son logement en 2019 rue de Picardie.

Le grand parc Schulmeister, de nombreux jardins partagés : la Canardière séduit aussi par ses multiples espaces verts. "Le parc Schulmeister et l’îlot de verdure du parc et du Rhin Tortu, c'était l’atout numéro 1 de mon achat", apprécie Anne Cuvillier. "L’avantage des nouveaux programmes est qu’ils sont en lisière, entourés d’espaces verts, et non pas en confrontation totale avec les habitats sociaux, situés au centre de la Canardière", argumente Éric Chenderowsky, directeur urbanisme et territoires de l’Eurométropole de Strasbourg. Un atout pour les agents immobiliers : "On est entouré de verdure. Il y a un super parc en face et de nombreux jardins publics, décrypte Arnaud Dessinais, agent immobilier de l’agence ERA. Tout s’est bien vendu. Les gens recherchent la possibilité de respirer le bon air, même en ville."

Beaucoup d’églises évangéliques, peu d’habitants. Cela pourrait être le slogan de la Plaine des Bouchers. À elle seule, elle concentre un tiers des lieux de culte strasbourgeois appartenant à ce courant. La raison de cette concentration : les Eglises s’y sentent à l’aise. 

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