Alors que les militants ont multiplié les recours juridiques pour tenter de bloquer le projet du site d'enfouissement des déchets, le tribunal administratif de Bar-le-Duc a repoussé au 5 avril le procès de l'expulsion d'un occupant.
Sven Lindstroem est Finlandais. Depuis quelques temps, il vit dans une cabane du bois Lejuc, construite par les miliants anti-Cigeo (Centre industriel de stockage géologique industriel). Avec ces constructions installées dans les arbres, ils espèrent ralentir l'avancée du défrichement et des travaux de la future poubelle nucléaire. Il risque d'être expulsé de sa cabane par le tribunal de Bar-le-Duc qui rendra sa décision le 5 avril. Les "Bure à cuire", qui militent contre le projet Cigeo ont adopté la stratégie des cabanes. En occupant le terrain, ils espèrent ralentir les opérations de l'Andra et s'approprier les lieux. Ils ont même commencé à cultiver des pommes de terre et de l'orge à l'endroit où le site d'enfouissement des déchets nucléaires devrait voir le jour en 2025. Soit un peu plus de 30 après l'implantation du premier laboratoire d'expérimentation à Bure.
Des travaux à l'arrêt
"Qu’ils nous expulsent ou pas, on sera dans le bois" fut le mot d'ordre d'une grande manifestation samedi 18 février, réunissant 500 manifestants qui souhaitaient montrer leur détermination face à de potentielles expulsions. En milieu d'après midi, "un groupe d’une cinquantaine d’individus cagoulés, armés de pierres ou d’engins incendiaires, s’est attaqué à la clôture de l’écothèque, un bâtiment appartenant à l’Andra, puis a élevé une barricade de pneus et les a enflammés", a constaté la préfecture. Les manifestants ont dénombré une vingtaine de personnes blessées "par des charges aux grenades de désencerclement et assourdissantes, une réponse violente", selon les opposants.
Vidéo: Bure Acuire
Ce jour là, des militants de toute la France ont rejoint les "Bure à cuire". Certains sont venus en car de la ZAD de Notre Dame-des-Landes, d'autres de Strasbourg, où ils contestent un projet de contournement autoroutier, gourmand en terres agricoles fertiles. Leur point commun, la lutte contre ces "grands projets inutiles et imposés", comme ils ont été baptisés lors du forum social mondial de Tunis de 2013, et dont Bure fait partie, tout comme le projet de ligne à grande vitesse Lyon-Turin ou la gare de Stuttgart.
Pour bloquer ces travaux, les militants pratiquent une lutte hybride, mélangeant actions coups de poing et recours devant la justice pour ralentir, voir bloquer les tractopelles. A Bure, loin de la tumulte dissidente, l'action se joue donc aussi dans le cadre feutré de la justice. Le 27 février, le tribunal de Bar-le-Duc devra à son tour se prononcer en appel sur la légalité des travaux de défrichement entrepris par l'Andra au bois Lejuc. En première instance, le tribunal avait ordonné l'arrêt des travaux qui auraient du permettre l'installation des cheminées d'aération des kilomètres des galeries souterraines. Le 28 février, ce sera au tribunal administratif de Nancy de se prononcer sur la légalité ou non de la cession du bois Lejuc à l'Andra.
En août 2016, le tribunal de grande instance de Bar-le-Duc avait stoppé les travaux. La vice-présidente du tribunal, avait jugé que l'Andra procédait à un défrichement massif et non à des opérations de déboisement comme l'agence l'avait affirmé. Le tribunal lui avait ordonné de remettre huit hectares de forêt en état. L'agence a choisi de faire appel pour être en mesure de poursuivre ses travaux.
Autre bataille juridique des anti-Cigeo: les modalités juridiques de la vente du Bois-Lejuc à l'Andra. fin 2015, la commune de Mandres-en-Barrois, à quelques kilomètres au sud de Bure, a voté en conseil municipal la cession du bois Lejuc. Quatre habitants du petit village accusent le maire d'irrégularités lors du vote. Ils pointent aussi du doigt les prix au rabais qui auraient été pratiqués par la municipalité pour céder ses parcelles.
Déchets nucléaires par 500 mètres de fond
Sur ces terrains boisés, l'Andra a prévu de creuser le puits de 500 mètres de fond dans lequel seraient stockés les déchets nucléaires à très haute activité radioactive. Le coût des travaux est estimé à 25 milliards d'euros. L'entrée et le mécanisme de descente pourraient quant à eux potentiellement être construits à l'ouest de Mandres-en-Barrois, selon les plans de l'ANDRA, qui préfère s'implanter sur des terrains boisés afin de limiter les expropriations d'agriculteurs.
En rouge, la zone retenue pour l'implantation de l'installation souterraine; en bleu, la zone de l'entrée et de la descenderie. Carte schématique réalisée selon les plans de l'Andra. Crédit: Benoît Collet.
Cette zone a aussi été choisie car son sous-sol est fait de matières argileuses, présentées comme souples et résistantes. Une analyse que rejettent ses opposants. "Il y a six mois, un ouvrier est mort à cause de l'effondrement d'une galerie souterraine. Et ensuite on vient nous dire que le sous-sol est stable", s'étonne Michel Marie, porte-parole du collectif contre l'enfouissement des déchets radioactifs. Il s'inquiète aussi des grandes voies d'aération prévues dans le bois Lejuc: "L'air vicié et radioactif des galeries sortira forcément de ces cheminées de six mètres de haut".
Des opposants anti-Cigeo posent à côté d'un mur érigé pour protéger la zone de construction de dépôt de déchets nucléaires au bois Le Juc. Crédit : CC by Jean Christophe Verhaegen/AFP
Benoît Collet