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Dany le rouge se met au vert


13 mars 2014

Cohn Bendit ne compte pas filer à l'anglaise. Pour son avant dernière session au parlement de Strasbourg, ce militant des Verts est toujours à l'offensive. Dernières victimes en date de ses formules: les conservateurs allemands, José Manuel Barroso « le président du consensus » ou encore Gerhard Schröder, qu'il qualifie de « scandale permanent » lors de sa conférence de presse mardi 11 mars. Il a tenu ces déclarations chocs juste avant d'annoncer qu'il s’envolera bien pour le Brésil le 31 mai prochain, date à laquelle il quittera son siège au Parlement qu'il occupe depuis 20 ans.

"Dany" laissera donc derrière lui sa place de coprésident du groupe des Verts/Alliance Libre Européenne, tout comme un passé politique tumultueux. De mai 68 aux bancs du parlement de Strasbourg, Daniel Cohn-Bendit, grand témoin de l’histoire politique, aura souvent fait la Une.

Charismatique, provocateur, déterminé, libertaire... les adjectifs ne manquent pas pour qualifier ce franco-allemand qui depuis son entrée en politique en 1989 au conseil municipal de Francfort-sur-le-main, a multiplié les coups d’éclats. Dans la ligne de mire de Dany, il y a eu, entre autres, Jean-Marie Le Pen, Nicolas Sarkozy, Jean-Luc Mélenchon et surtout les eurosceptiques.

Revoir le clash avec Jean-Marie Le Pen

Des idées chevillées au corps

Ce militant européen de 68 ans est l’un des rares à avoir réellement marqué le Parlement, dont on connait souvent peu le nom des députés. Le fondateur d'Europe Ecologie se sent profondément européen et défend une Europe fédérale, à l’immigration ouverte et porte la complexe étiquette de « libéral-libertaire ».

Amoureux des lettres et des langues, Dany connaît la rhétorique, mais pas le clientélisme. Ses grandes envolées amusent beaucoup moins certains de ses camarades députés, qui évoquent un politicien de droite non assumé et caché derrière l’arbre d’Europe Ecologie.

En 2009, il parvient à signer la plus grande victoire de son parcours politique en France avec un score de 16,28% aux élections européennes. Grâce à sa place de co-président des Verts/ALE, il gagne le premier rang de l’hémicycle et peut enfin faire valoir son franc-parler avec plus de légitimité.

Direction : football

Le personnage restera gravé dans la mémoire de Strasbourg comme celui qui osait pousser des gueulantes. Un amuseur concerné, convaincu de ses idées et parfois considéré, peut-être à tort, comme la seule et unique référence en matière d'actualité européenne. Avec la presse, c’est du « je t’aime, moi non plus ». Une relation d’amour et de rejet passionnée lors de conférences de presse ubuesques. Certains journalistes le disent lunatique mais voient en lui l’un des piliers du Parlement qui vit et porte chaque jour les vraies valeurs européennes. En somme, un idéaliste dans un costume de politicien. Bien que célèbre pour son rôle d'agitateur, une chose est sûre, il se différencie des autres hommes politiques. Il a jeté toutes ses forces dans ce combat au Parlement mais part avec un sentiment d’inachevé, un goût amer vis à vis d’une Europe qui ne parvient toujours pas à trouver l’unité.

Dany le rouge fait donc ses cartons et laisse le siège 42 du parlement bien vide. On se demande s’il va vraiment quitter la scène politique pour aller raccrocher ses crampons ailleurs… Le voilà en tout cas qui part fouler d’autres terrains. Il s’envolera pour le Brésil,  à l’occasion de la coupe du monde de football,  le 31 mai. Lui qui a commencé rouge, sur les barricades, à se battre pour un monde où il était « interdit d’interdire », parviendra-t-il à laisser définitivement derrière lui cette maîtresse de plus de trente ans qu’est la politique?

La session d'avril sera peut-être l'occasion d'un dernier coup de gueule...

 

Raphaële Taquard

Baptiste Mathon

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