Le vieux pont qui enjambe la Neretva dans le coeur ottoman de Mostar attirait nombre de touristes avant sa destruction. Pour Mirsad-Deda Pasic, plus vieux sauteur du pont, le Stari most représente bien plus qu'un souvenir de vacances.
Camille Caldini
Davidis Stickel
La Bosnie-Herzégovine, politiquement divisée entre la Republika srpska et la Fédération, connaît une autre ligne d’opposition à l’intérieur de la seconde, entre Bosniaques et Croates. Les deux communautés d’abord alliées contre les Serbes se sont violemment affrontées de mai 1993 à mars 1994. Les Croates de Bosnie ont même proclamé le 24 août 1993 une République d’Herceg-Bosna, enclave catholique, jamais reconnue. La création de la Fédération de Bosnie-Herzégovine en 1994 met un terme à ce conflit. En échange d’une alliance militaire avec la Croatie de Tudjman, la minorité croate y obtient des garanties constitutionnelles exorbitantes. L'architecture institutionnelle de la Fédération, découpée en dix cantons où se concentrent l’essentiel des pouvoirs et des ressources, sera validée par les accords de Dayton.
Autour de Mostar, le parti nationaliste HDZ contrôle la politique et l’économie. Des villes comme Siroki Brijeg ou Grude, épargnées pendant la guerre, restent tournées vers la Croatie. Les jeunes partent faire leurs études à Zagreb et les capitaux croates alimentent cette région prospère. Entre berlines et grosses villas, les emblèmes nationalistes, voire fascistes, sont légion. Dans la ville de Mostar, le HDZ a orchestré la privatisation par dépeçage de l’ancien géant de l’aéronautique Soko dès 1993 : aujourd’hui réduit à une poignée de PME exsangues, le Soko-group n'emploie pratiquement que des croates. Le maire de la ville, Ljubo Beslic (HDZ), ré-élu en 2009 après 14 mois d’indécision des conseillers municipaux, se contente de prendre acte du fossé infranchissable qui sépare les deux communautés.
Lisette Gries
Eva Simonnot
Une ville coupée en deux. Deux postes, deux compagnies d'électricité, deux compagnies de bus : Mostar est une ville schizophrène. A l'est, les Bosniaques, à l'ouest, les Croates.
La génération qui a grandi sur les cendres de la guerre, ravive malgré elle le foyer des divisions. Jasmin, grand frère de cette génération, est Bosniaque. Il a passé son enfance à Mostar Ouest avant d'être déplacé de force à l'autre bout de la ville par l'armée croate.