l’Union européenne ne semble pas s’être préparée à la fin de vie des batteries lithium-ion. Elle pense pouvoir compter sur le recyclage pour renforcer son indépendance en matière premières. Un pari dangereux.
D’ici 2030, l’Union européenne espère conduire sur ses routes près de 30 millions de voitures électriques. Mais qu’adviendra-t-il des centaines de milliers de batteries en fin de vie ? Notre enquête montre que l’Europe se pose tout juste la question de leur recyclage. Entre l’insuffisance d’acteurs dans la filière, le retard technologique et les problèmes de sécurité que posent ces batteries, la marche est haute.
C’est dans l’espoir de favoriser l’essor d’un marché encore à une phase embryonnaire que l’UE a fixé de nouveaux objectifs ambitieux. Le nouveau règlement prévoit notamment l’obligation, pour les constructeurs automobiles, d’inclure des métaux recyclés dans leurs nouvelles batteries : 4 % de lithium recyclé en 2030 ; 10 % d’ici 2035. Il en sera de même pour le cobalt, le plomb ou le nickel.
Barrières techniques
Pourtant, même pour les autres métaux des batteries lithium-ion, atteindre ces pourcentages de matériaux recyclés n’a rien d’évident. Le règlement européen prévoit qu’au fur et à mesure des années, leur taux de récupération grâce au recyclage augmente : par exemple, 90 % du cobalt devra être récupéré en 2025 ; 95 % en 2030. Ainsi, pour 100 kilos de cobalt envoyés au recyclage, 95 seraient récupérés pour être réutilisés. Mais atteindre de tels taux entraîne un coût environnemental élevé. En effet, récupérer les métaux nécessite l'utilisation de produits chimiques afin de les séparer.
Sans compter un frein technique de taille. Outre le fait qu’il n’existe, à l’heure actuelle, que cinq entreprises capables de recycler les batteries de voitures électriques en Europe, les méthodes utilisées aujourd'hui ne sont pas encore assez efficaces. Les taux de pureté atteints ne sont pas suffisants pour être réutilisés dans la construction de nouvelles batteries. L’opération est possible, mais reste inexploitée à l’échelle industrielle car non rentable.
L’Union européenne envisage le recyclage comme un moyen de réduire sa dépendance en matières premières. Mais cela relève de l’illusion : la production issue du recyclage ne pourra jamais satisfaire la demande de métaux, en constante augmentation. Dans un rapport publié en 2020, la Commission européenne reconnaît elle-même que la part du lithium recyclé dans la demande totale ne dépasserait pas 1,8 % en 2035. Avec une propension si faible de lithium recyclé, il est clair que l’Europe restera dépendante des importations de lithium.
Stockage : le risque d’incendies
À mesure que les batteries électriques inondent l’Europe, un autre risque se dessine : celui de devoir les stocker, massivement. Certains acteurs de la filière ne s’alarment pas, misant sur un recyclage de plus en plus efficace, sans besoin de stockage. Un pari osé, car dans l’hypothèse inverse, les entreprises concernées se retrouveraient avec de grandes quantités de matériaux hautement inflammables sur les bras. Actuellement, le stockage des petites batteries électriques pose déjà problème : “Les assurances refusent d’assurer certains sites à cause du risque d’incendie”, s'inquiète Jean-Pierre Labonne, président de la filière de déconstruction automobile de la Federec. En 2020, la Federec alertait déjà sur ce danger, déplorant une hausse des incendies ces dernières années. Les batteries peuvent être à l’origine de feux de métaux particulièrement importants, dégageant des substances toxiques en quantité.
Cette question se pose d’autant plus que les deux seuls sites français habilités au recyclage des batteries lithium-ion ont fait l’objet de mise en demeure pour non-conformité. C’est notamment le cas de la société Euro Dieuze (Moselle) pour des défauts de sécurité. Elle a fait l’objet d’un signalement à propos de “nombreuses rétentions détériorées”, qui ne seraient “plus en capacité de contenir un déversement accidentel sans occasionner une pollution des sols”. De quoi inquiéter, au vu des déchets traités et des produits chimiques utilisés par l'entreprise. La Direction régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement (Dreal) Grand-Est nous a toutefois précisé que la mise en demeure avait été récemment levée.