16 février 2012
Les producteurs laitiers européens vont désormais être confrontés à la concurrence. Le Parlement européen a adopté, mercredi, le «paquet-lait» qui prévoit, pour les agriculteurs, le passage d'une production encadrée à une économie de marché. Le texte doit encore être ratifié par les Etats membres de l'UE avant sa mise en oeuvre.
Cette nouvelle mécanique laitière s'inscrit dans le cadre de la réforme de la PAC (politique agricole commune) qui prévoit la suppression des quotas dans le secteur du lait pour avril 2015. Le système des quotas a été mis en place en 1984, avec pour objectif la maîtrise quantitative de la production et une limitation du surplus. Grâce à cet encadrement, les éleveurs, même les plus petits, s'assurent un revenu minimum apporté par l'aide financière que l'Union leur accorde. Si une très grande majorité des députés a voté en faveur de la réforme, nombre d'entre eux ont tenu à préciser qu'elle ne résoudrait certainement pas tous les problèmes des producteurs laitiers ; certaines voix dissonantes sont allées plus loin, affirmant qu'elle signait l'arrêt de mort des petits éleveurs.
Plus de pouvoir pour les producteurs laitiers
Le « paquet-lait » entend donner plus de poids aux producteurs laitiers face aux industriels, afin d'obtenir des prix plus équitables une fois le secteur libéralisé. Pour ce faire, les éleveurs auront la possibilité de mener des négociations collectives en se regroupant en organisations ; à condition que celles-ci ne représentent pas plus de 3,5% de la production de l'ensemble des pays de l'UE ou 33% de la production nationale.
Les États membres seront libres d'imposer ou non des contrats sur la livraison de lait des producteurs aux collecteurs et transformateurs.
Le point le plus consensuel de la réforme concerne les fromages bénéficiant d'une appellation d'origine protégée (AOP) ou d'une indication géographique protégée (IGP). Les producteurs auront la possibilité de contrôler la production de lait destinée à ces fromages afin d'en assurer un certain prix.
« Un bon point de départ mais il reste beaucoup à faire »
Si une majorité des députés a salué le travail du rapporteur, James Nicholson, plusieurs ont souligné qu'il ne représentait qu'une étape car des solutions pour améliorer la situation des producteurs laitiers et assurer une transition en douceur entre le système des quotas et le marché concurrentiel restent encore à trouver. La députée nord-irlandaise, Diane Dodds, a qualifié hier après-midi, le « paquet-lait » de « bon point de départ », précisant néanmoins qu'il « reste beaucoup à faire sur ce sujet ».
Le député des verts José Bové a émis des doutes quant à l'équité réelle prévue par le « paquet-lait » entre producteurs et industriels « Cela me fait penser au conte que l'on raconte aux enfants à propos du paradis où des lions végétariens mangeraient de l'herbe dans une prairie remplie de brebis : je n'y crois pas ».
D'après lui, la situation des producteurs laitiers va devenir « encore plus dramatique », au point d'être semblable à celle des fermes danoises qui, selon le député, « font faillite avec 40% de perte dans les produits laitiers. » Point de vue que partage aussi la Confédération Paysanne qui annonce qu'avec cette réforme, « la production va se concentrer dans des élevages de plus en plus grands, de plus en plus industrialisés […] au détriment du maintien de la production dans toutes les régions laitières d'Europe »
La fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) a quant à elle exprimé son enthousiasme : « ce mini-paquet sur le lait donne un rôte clé aux organisations de producteurs ».
La Commission européenne devra quant à elle présenter deux rapports sur l'application de ce paquet législatif : le premier en 2014, puis le second en 2018. Certains euro-députés, comme le Vert allemand, Martin Häusling, qui s'exprimait au nom de son groupe, ont demandé à ce que ce rapport soit publié avant 2014 et propose des solutions aux problèmes identifiés.
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Michel Dupont, assistant parlementaire de José Bové, est venu soutenir les quelques membres de la Confédération Paysanne qui manifestaient contre la réforme laitière - photo © Adriane Carroger, CUEJ
La Confédération Paysanne est venue manifester devant le Parlement européen, mardi 14 février : jour où les députés ont débattu sur le "paquet-lait". D'après ses membres, "la réforme laitière est faite pour l'industrie, pas pour les producteurs." Pour Rémi Picot, de la Confédération Paysanne Alsace : "cette réforme sera néfaste aux petits producteurs, et à terme, les moyens producteurs vont de venir des petits producteurs puis disparaitre et ainsi de suite". Selon lui, c'est inévitable, la fin des quotas va créer de l'excédent "ce qui engendre une baisse des prix agricoles".
Camille Richebois