12 mai 2016
Mardi 10 mai, les eurodéputés ont demandé à la Commission européenne et aux Etats membres de légiférer pour lutter contre le dumping économique chinois.
Faut-il considérer la Chine comme une économie de marché? A cette question délicate, au centre des débats, mardi 10 mai, au Parlement européen, les eurodéputés ont répondu par la négative. Pendant une heure et demie, ils ont fermement interpellé les Etats membres et la Commission européenne sur le sujet qui doit être discuté d'ici la fin de l'année à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), dont la Chine est membre depuis 2001. La Commission y représente les Etats lors des négociations.
Par son interventionnisme et ses aides récurrentes, notamment pour soutenir les entreprises nationales qui vendent à perte, le gouvernement chinois a mis en oeuvre une économie planifiée, faussant ainsi les prix sur les marchés internationaux, ont regretté les députés au cours du débat. L'Iitalien Gianni Pittella, (S&D, sociaux-démocrates) résume : « On ne peut pas accorder à la Chine le statut d'économie de marché, tout simplement car la Chine n'est pas une économie de marché ! »
« Une décision hasardeuse aujourd'hui contribuerait au suicide de l'industrie européenne et nous ne voulons pas en être co-responsables, ce serait une erreur historique », poursuit-il. Une référence à la situation du secteur sidrurgique en Europe, mis en dificulté par les importations chinoises. Parmi les dernières usines ayant fermé leurs portes : Arcelormittal au Pays basque, ainsi que Tata Steel en France et en Grande-Bretagne, le 11 avril.
Le Conseil et la Commission traînent les pieds
La question du statut de l'économie chinoise fait régulièrement polémique car la Chine est un partenaire stratégique pour l'Union européenne et ses Etats membres.
Si l'Europe refuse d'accorder le statut d'économie de marché à Pékin, cela risquerait de mettre en péril plus de 260 000 entreprises sino-étrangères, avancent les défenseurs du changement de statut. De plus, le plan d'investissement, lancé en novembre 2014 par le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et destiné à mobiliser des investissements à hauteur d’au moins 315 milliards d’euros d'ici 2017, est financé par des banques chinoises à hauteur de 10 milliards d'euros.
Parce que la Chine est un partenaire incontournable dans les échanges économiques mondiaux, le Conseil et la Commission ont du mal à prendre une décision. « Vous ne défendez pas l'intérêt général, mais une équation à somme zéro entre emplois perdus et emplois créés », a accusé l'eurodéputé italien David Borrelli (EFDD, souverainiste) en s'adressant à la Commission. « Vous bloquez depuis des années la réforme des instruments de défense commerciale alors que le Conseil ne dispose d'aucun droit de blocage ! », a pursuivi Daniel Caspary (PPE, centre-droit) dénonçant cette fois l'attentisme des Etats membres.
Attribuer à la Chine le statut d'économie de marché aurait « un coût très élevé en matière d'emplois perdus dans l'Union européenne, qui ne sera pas en mesure de prendre en compte les distorsions de l'économie chinoise, a reconnu le commissaire Vytenis Andriukaitis, présent dans l'hemicycle au cours des débats. Dans ce cas, il ne serait plus possible d'accorder la protection nécessaire face aux pratiques commerciales déloyales ».
Afin de formaliser sa position sur le sujet, le Parlement européen a adopté jeudi 12 mai une résolution qui doit être débattue le lendemain par les ministres des Affaires étrangères des Vingt-Huit, réunis à Bruxelles, lors d'une réunion du Conseil consacrée aux questions commerciales.
Mélissa Genevois