Violer pour punir

 

Utiliser le viol comme une sanction est un acte encore répandu au 21ème siècle. En Inde, au Brésil ou en France, les exemples ne manquent pas. Pour l'agresseur, le crime est légitime pour "punir" ou "corriger" sa victime, notamment dans le cas de l'homosexualité.

Illustration de Noémie Deslot

L'affaire a fait grand cas en mai 2016 au Brésil. Une jeune fille de 16 ans, habitant Rio de Janeiro, avait été violée par une ou plusieurs dizaines d'hommes dans une favela. Comme beaucoup de victimes de viol, elle connaissait au moins plusieurs de ses agresseurs. Mais au milieu des manifestations condamnant l'acte, de nombreuses voix se sont également fait entendre sur les réseaux sociaux ou en commentaires d'articles en ligne pour défendre les auteurs

« Elle n'est vraiment pas une sainte... », écrit cet internaute sur le site G1. « Elle s'est droguée et a fait des bêtises », pour cet autre. Pour de nombreux lecteurs, l'acte peut bien servir de leçon à la jeune adolescente rebelle.

Le viol comme leçon de morale

Aujourd'hui, le viol “punitif” reste très présent à travers le monde. Dans ces cas, la justification est simple : en guise de justice, l'humiliation physique.

En Inde, dans certains villages, la condamnation au viol collectif pour punir une faute existe encore, comme le rappellent certaines affaires récentes.

Elle m'a humilié donc je l'humilie, et si ça peut lui faire mal, c'est encore mieux 

En France, si le sujet est plus discret, il n'est pas inexistant. Jean-Pierre May, expert psychiatre, en rappelle l'existence au sein du couple. Il explique que certains auteurs de viols conjugaux « invoquent des principes moraux pour justifier leur acte ». Un mari humilié considère alors son acte comme légitime « et va violer sa conjointe pour lui apprendre la politesse, développe l'expert. Elle m'a humilié donc je l'humilie, et si ça peut lui faire mal, c'est encore mieux. »

Parmi les victimes de viols "punitifs", la communauté LGBTI est particulièrement concernée. Un problème qui touche l'Afrique du Sud, au point d'avoir fait réagir le haut commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Navi Pillay. Des faits divers rappellent l'existence de ce type de viols, parfois appelés "correctifs” car ils visent à amener les victimes vers la norme hétérosexuelle. Au Pérou, une étudiante de 21 ans a ainsi été menacée par sa sœur qui voulait « l'envoyer se faire violer pour la corriger ».

Au Brésil, le sujet des viols "correctifs" est même arrivé devant la chambre des députés en septembre 2016, quand une représentante du collectif lesbien Coturno de Vênus est venue dénoncer ces actes devant les élus.

L'homophobie, circonstance aggravante

En France, le sujet n'a pas atteint cette ampleur mais existe. En juin 2013, le quotidien Midi-Libre a fait état d'une telle affaire. Deux hommes sont jugés aux assises de l'Hérault pour s'être introduits en mars 2010 chez une femme lesbienne avant de la violer en lui déclarant « on va te faire aimer les hommes ». Pour Maître Philippe Terrier, avocat de la victime, « l'homophobie en soi n'est pas à l'origine de l'agression, mais avec l'alcool et face au refus de la femme d'avoir des rapports, ils sont passés à l'acte avec barbarie ».

La circonstance aggravante de l'homophobie a été retenue contre les deux accusés qui ont été condamnés à des peines de 12 et 15 ans de réclusion criminelle.

Même sans caractère "correctif”, l'homophobie peut être une cause d'agressions sexuelles et de viols. Dans un rapport sur la lesbophobie paru en 2015, SOS Homophobie dénonçait, pour la première fois, des agressions sexuelles à caractère homophobe. 1 % des femmes qui se déclaraient victimes de violences homophobes en faisaient état. Mais à l'association, Virginie Combe, argue « que les chiffres pourraient être bien plus importants car beaucoup de victimes de viols ne portent pas plainte ».

Bruno Wiel, un jeune homosexuel, en a fait les frais. Le procès de ses agresseurs s'est tenu en janvier 2011. Cinq ans auparavant, plusieurs hommes l'avaient agressé dans le but de le voler. Ils l'avaient ensuite violé avec un manche de balai avant de le laisser pour mort dans un parc de Vitry-sur-Seine. Au procès, les agresseurs ont reconnu le motif homophobe. Ils ont « vu qu'il était éméché et homosexuel, on en a profité », selon Antoine Soleiman, l'un des accusés. Les quatre accusés ont été condamnés à des peines entre 16 et 20 ans de réclusion criminelle pour « viol en réunion à caractère homophobe ».

À l'Association nationale transgenre, Tania Charrier voit dans ces agressions une forme de sexisme. « C'est une certaine façon de dénigrer tout ce qui est féminin, selon la militante. Ces agressions sont donc plus dirigées vers des personnes à apparence féminine ». Tania Charrier souligne également que ces « viols dits correctifs ne sont que le prolongement d'un certain degré de violence. Il est fort possible que dans ces histoires, on ait des agressions qui sont poussées jusqu'à l'acte sexuel ».

G1

Site d'information appartenant à la chaîne de télévision brésilienne Globo

Condamnation au viol collectif

En janvier 2014, une affaire avait eu un retentissement international quand une jeune Indienne avait été condamné par les anciens du village à un viol punitif pour avoir voulu épouser un musulman

Jean-Pierre May

Expert psychiatre près la cour d'Appel de Colmar

LGBTI

Lesbiennes gays bi-sexuels transgenres et intersexes

Coturno de Vênus

Association brésilienne, lesbienne et féministe, dont le but est de combattre « toutes les formes de discriminations, qu'elles soient racistes, spécistes, machistes, culturalistes... »

Philippe Terrier

Avocat à Béziers

Rapport sur la lesbophobie

En 2014, l'association française SOS Homophobie est allé à la rencontre de femmes s'identifiant comme lesbiennes ou bi-sexuelles afin de leur soumettre un questionnaire. À la fin de l'enquête, 7 126 femmes avaient été interrogées

Virginie Combe

Responsable de la communication chez SOS Homophobie

Tania Charrier

Trésorière de l'Association nationale transgenre et responsable de l'antenne lorraine, à Nancy