Familles sous astreinte
Jasmine et Julien Dollé sont tous les deux secouristes. Elle est infirmière au Samu de Strasbourg, lui est sapeur-pompier professionnel depuis quinze ans. Le couple a deux enfants, Elsa et Sacha. Jongler entre les gardes et les astreintes n’est pas toujours évident. Même loin de la caserne et de l’hôpital, le travail s’immisce dans la vie de famille. Ecoutez leur témoignage.
Faire avec la crainte
Sur le net, les réseaux de solidarité dédiés aux femmes de sapeurs-pompiers servent parfois de soupape. S’y exprime de temps à autre le ras-le-bol de certaines conjointes. Trouver un équilibre ne semble pas toujours évident pour ces couples. Eloïse vit depuis plus de dix ans avec Guillaume, pompier professionnel. Elle s’adapte.
Un vendredi soir de décembre, à 20h30, du côté de Valence. Eloïse peut enfin souffler après avoir couché ses deux filles d’un an et demi et trois ans. « Ce soir Guillaume est de garde, il rentrera demain matin à 8h30. On a un week-end chargé qui nous attend avec les fêtes de fin d’année. »
Son conjoint, 30 ans, est sapeur-pompier professionnel depuis plus de dix ans. Il assure des gardes de 24 heures à la caserne, généralement suivies de 48 heures de repos. Elle est commerciale dans une entreprise de cosmétiques et travaille près de dix heures par jour. Son métier l’amène régulièrement à passer des nuits à l’hôtel. « On a une vie de dingue mais on s’éclate tellement. Ça se calmera plus tard », sourit la jeune femme de 28 ans.
« J’attendais qu’il rentre pour me rendormir »
Eloïse ne manque pas d’enthousiasme. Toutefois, quand on lui demande si elle s’inquiète pour Guillaume, son regard s’obscurcit : « Il y a plein de métiers à risque mais effectivement celui de pompier fait flipper... » Quelques années plus tôt, son compagnon cumulait le statut de professionnel et de volontaire à la caserne. Les astreintes impliquaient des réveils en pleine nuit. « Je n’étais pas du tout sereine. J’attendais qu’il rentre pour me rendormir. »
Leurs proches sont tous dans le milieu. « On est très soudés », glisse la jeune commerciale. Pour autant, les sorties sur le terrain sont peu évoquées à la maison : « On ne parle pas beaucoup de ses interventions. Quand je lui demande comment s’est passée sa journée, il me répond brièvement. Et très sincèrement, ça me convient. Je n’ai pas envie d’en savoir plus. Il a fait partie de la brigade de Paris pendant six ans. J’en ai discuté avec ses collègues lors d’une soirée. Ça m’a bien refroidie. »
J’ai déjà appelé la caserne
« Il a déjà eu un accident, confie Eloïse. Il a fait une chute de trois mètres alors qu’il aidait des gens à sortir d’un ascenseur en panne. C’est son collègue qui m’a appelée pour me dire qu’il était à l’hôpital. » Si le jeune couple évite d’en discuter, elle connaît bien le fonctionnement de la caserne. Elle sait que chaque intervention dure en moyenne deux à trois heures. « Quand je lui envoie un message et que je n’ai pas de nouvelles dans les quatre heures qui suivent, j’angoisse. J’ai déjà appelé la caserne plusieurs fois pour vérifier que tout allait bien. Dans ces cas-là, j’allume aussi la radio. »
Guillaume est régulièrement mobilisé pour des incendies de voiture dans des zones sensibles. « Ils se font caillasser quand ils s’approchent du sinistre, explique-t-elle . En fin de compte, ils ne peuvent pas éteindre le feu normalement. C’est lourd de savoir ça. » La jeune femme relativise : elle sait que les forces de l’ordre accompagnent les pompiers.
Voir aussi : Mon secouriste mal-aimé
« Je n’y pense pas tout le temps non plus, poursuit-elle. Il gère très bien son boulot. Il est de nature tranquille et il n’a pas l’air anxieux. C’est rassurant pour mes filles et moi. » Loin de la capitale, où ils ont vécu plusieurs années lorsque Guillaume travaillait à la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris, la jeune mère de famille semble avoir trouvé une certaine quiétude.
Elsa VANDE WIELE
Toute la famille pose devant l'hélicoptère Dragon 67. Crédit : document remis.
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