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Secourir, mais à quel prix ?

Depuis des années, les acteurs des secours sont eux aussi contraints de faire des choix budgétaires pour rester à l’équilibre et ne pas couler. Si la sphère publique est particulièrement touchée, les associations privées de sécurité civile ne sont pas épargnées.

Un matériel de moindre qualité, c'est la conséquence d'un budget plus serré. Crédit : Tanguy LYONNET

C’est une question brûlante, sur laquelle les institutions communiquent peu. Comment maintenir une exigence opérationnelle de haut niveau avec une trésorerie de plus en plus contrainte ? L'équation est difficile à résoudre pour de nombreux acteurs des secours.

L’hôpital public, qui gère les Smur, est le premier touché. « Il faut comprendre les directeurs d’hôpitaux, ils sont pris entre deux feux. D’un côté, l’Agence régionale de santé (ARS) leur demande de maintenir leur équipe de Smur, de l’autre on ne leur donne pas assez d’argent pour les financer. Ils doivent ponctionner d’autres services pour maintenir cette activité », explique Jean-Marie Minoux, délégué régional de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf).

Selon lui, l’équipe de Smur d'un hôpital périphérique coûte environ 1,7 million d'euros par an, alors que l’enveloppe de mission d’intérêt général (1) allouée par l’ARS pour le financer s'élève à peine à 1,2 million d’euros. Une différence de 500 000 euros que l’hôpital doit compenser, parfois en s'endettant. Le syndicaliste insiste pour dire qu’il n’a encore jamais reçu de directive visant à réduire les sorties. Il demeure toutefois inquiet : en 2014, une des cinq équipes de jour du Smur a déjà été supprimée à Strasbourg, leur nombre descendant à quatre.

Gouverner grâce aux tableurs

Le constat est identique chez les sapeurs-pompiers, malgré un budget stable. Cédric Hatzenberger, secrétaire départemental Force ouvrière au Service départemental d'incendie et de secours (Sdis) 67, regrette : « Aujourd’hui, on gouverne par la statistique. On regarde ce dont on a besoin à l’instant. En ce moment, on est en débat sur les équipes de nuit. La probabilité d’une grosse intervention nocturne est plus faible, du coup la direction pense réduire le nombre de personnes en garde. Mais s'il y a une grosse sortie, on ne sait pas comment ça se passera. Il faudra sans doute rappeler du personnel. »

Le budget du Sdis est quasiment constant depuis plusieurs années : 88,4 millions d'euros en 2016 contre 87,9 millions en 2013 (2). Toutefois, l’inflation grignote petit à petit les marges de manœuvre de l’institution. « La priorité, c’est de maintenir la flotte de véhicules. Mais du fait du manque de budget, on ne fait que ce qui est strictement nécessaire, explique le syndicaliste. On baisse en gamme pour le matériel, les vêtements, les tuyaux... On pourrait considérer qu’il y a un risque pour nous, mais il y a une norme fixée et on reste au-dessus. Par contre, on rogne sur la qualité, les coutures qui tiennent moins bien par exemple. » D'autant plus que le contexte s'accommode mal d'une baisse des financements.

Crédit : Anisssa OUSNY

Crédit : Anisssa OUSNY

« Les besoins sont de plus en plus importants en personnel et en matériel. Et le nombre d'interventions augmente (3) » , constate Cédric Hatzenberger. La menace terroriste a aussi imposé un nouvel équipement avec le Groupe d'extraction (Grex), qui a coûté environ 40 000 euros au Sdis, sans compensation de l’Etat. « On rogne forcément sur d'autres budgets », constate avec amertume le syndicaliste.

Ces restrictions touchent aussi les associations de protection civile. Avec un budget annuel d'environ 60 000 euros, la Croix Blanche du Bas-Rhin préfère compter sur la facturation de ses postes de secours (4) et les formations au secourisme dispensées au public plutôt que sur la générosité des particuliers. « Des dons, il n'en arrive pas beaucoup. Enfin si, il y a toujours Madame Keller [sénatrice du Bas-Rhin, NDLR], qui m'envoie un chèque de 45 euros tous les ans... », sourit Michèle Rivera, présidente de la Croix Blanche 67. Cet étranglement financier impose de faire des choix, souvent en achetant des véhicules usagés. A 15 000 euros l'ambulance d'occasion, contre 50 000 à 120 000 euros pour une neuve, la décision est vite prise en période de vaches maigres.

Crédit : Arielle MULLER

Crédit : Arielle MULLER

La Croix Rouge s'en sort mieux, mais doit tout de même faire face à la morosité ambiante. Armand Perego, vice-président de l'association, regrette une diminution des dons des particuliers, malgré une quête nationale annuelle. « On essaye de contrebalancer avec d'autres actions : des galas, des formations grand public..., détaille-t-il. Le secourisme coûte très cher. Faire une sortie avec une ambulance, c'est environ 1 000 euros. » Le président tempère : « A la Croix Rouge, nous sommes protégés par notre emblème. » La sécheresse ne guette pas l’organisme.

Baptiste DECHARME

(1) Le Smur est financé par l'ARS au titre d'une mission d'intérêt général (MIG), et non par les fonds propres de l'hôpital.

(2) Source : site du Sdis 67, consulté le 19/12/2017.

(3) En 2010, les pompiers sont intervenus 52 915 fois, contre 62 028 interventions en 2016, soit une augmentation de 17,22% (source : rapports d'activités du Sdis).

(4) Les associations de protection civile facturent la tenue d'un poste de secours à l'organisateur d'une manifestation.

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