1979-2014 : acteurs confirmés

Lors de ses huit éditions précédentes, l’élection européenne a toujours offert son lot de différences avec les scrutins nationaux. Témoin de la lente bascule du vieux continent de la gauche vers la droite, le Parlement a aussi vu l’extrême droite et les Verts s'installer sur l’échiquier politique européen.
Quarante ans de Parlement

Il aura fallu attendre 1979, soit 22 ans après la création de la Communauté économique européenne, pour voir apparaître les premières élections communes. Le rendez-vous quinquennal, même s’il ne rassemble pas tous les citoyens aux urnes (42,61% de participation en 2014), est aujourd’hui encore la caution démocratique de l’Union européenne. Depuis 40 ans, il est le seul témoin concret et chiffré de l’évolution politique de ses citoyens et le reflet des changements qui ont marqué l’UE.

L'effondrement de la gauche

Une chute généralisée dans les grands pays

Même en faisant la part belle aux petits partis, le Parlement européen n’a pas échappé à la lutte gauche/droite pour la majorité. À chaque élection depuis 1979, les deux partis ayant recueilli le plus de voix ont toujours été le parti socialiste (SOC, PSE ou S&D selon les époques) et le PPE. Les premiers scrutins ont été très favorables à la gauche, qui a détenu la majorité jusqu’en 1999. Cette année-là, le parti de centre-droit, allié avec le DE, réalise son meilleur total de voix, recueillant 37,22% des sièges.

L’élection suivante marque le début de la chute pour la gauche traditionnelle. En 2004, dix nouveaux pays, la plupart d’Europe de l’Est, rejoignent l’Union européenne et ses élections. Trois autres suivront durant les dix années suivantes. Votant plus à droite que les 15 pays qui constituaient anciennement l’UE, ces nouveaux entrants renforcent le virage dans l’équilibre politique du Parlement de Strasbourg.

Ce tournant est renforcé par le recul global de la gauche lors des élections nationales de nombreux pays d’Europe, y compris chez des importants pourvoyeurs de sièges. En Allemagne, qui est le pays disposant du plus grand nombre de députés européens, le parti soutenant les S&D (le Parti social-démocrate) représentait 39 et 36% des sièges au Bundestag en 2002 et 2005. En net recul, le parti de Martin Schulz ne représentait plus que 27% du Parlement allemand en 2013 et est même tombé à 22% en 2017, lors des dernières élections nationales. Encore un signe que la gauche traditionnelle continue à s’effriter en Europe. C’est aussi le cas en France, où le PS doit composer avec un nombre historiquement bas de députés (5% de l’Assemblée nationale).

Les nouveaux pays tirent l'Europe vers la droite

Depuis la large ouverture aux pays de l’Europe de l’Est en 2004, le Parlement a toujours penché à droite. Les nouveaux arrivants (Bulgarie, Chypre, Croatie, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, Slovaquie, Slovénie, République Tchèque, Roumanie) jouent un rôle important dans ce basculement durable, puisque les partis de droite y sont bien plus représentés que dans les États membres les plus anciens.

Les Verts, bâtis pour l'Europe


Peu présents dans les Parlements des grands pays de l’UE, à quelques exceptions près, les Verts tirent leur épingle du jeu à chaque élection européenne. Depuis 1989, le parti écologiste n’est jamais tombé sous la barre des 5% de sièges à Strasbourg. En France, EELV a réalisé une percée inédite en 2009 avec 16,3% des votes. Une performance jamais rééditée lors des élections nationales.

Un système électoral favorisant les extrêmes

Depuis 1999, le scrutin européen se fait obligatoirement à la proportionnelle. Dans les faits, la plupart des pays avaient déjà adopté cette modalité de vote, mais une directive européenne a permis de formaliser la chose. Ainsi, dans chaque pays membre, les partis auront un nombre de sièges proportionnel au score obtenu. En cela, les élections européennes se distinguent des législatives françaises, qui sont des scrutins majoritaires.

Le choix de la proportionnelle a forcément un impact sur la composition finale du Parlement européen. En représentant fidèlement la diversité d’opinion de son électorat, la chambre législative donne beaucoup plus de place aux petits partis que ses équivalents dans les États membres.

Les plus avantagés par le recours à la proportionnelle sont les extrêmes, et en particulier l’extrême droite. Là où elle est souvent barrée au niveau national par le vote utile des scrutins à deux tours, elle obtient au Parlement européen un nombre de sièges correspondant au soutien qu’elle reçoit dans toute l’Europe. C’est le cas en France, où en 2014 le Front national ne comptait que deux députés à l’Assemblée nationale, auxquels venaient s’ajouter un député de la Ligue du Sud, alors qu’il parvenait à obtenir 24 sièges à Strasbourg, soit un tiers du contingent français.

L'extrême droite française, en force à Strasbourg

Un « vote national de second ordre »

Les élections européennes ont aussi la particularité d’être un vote transnational qui reste malgré tout bien souvent soumis à des logiques nationales. Dès 1979, Karlheinz Reif et Hermann Schmitt parlaient d'une « élection nationale de second ordre », qui n’était pas perçue comme capitale par les citoyens, et dont les résultats visaient plus à « punir ou récompenser le pouvoir en place » dans chaque pays. Cette vision du scrutin aurait été vérifiée empiriquement à chacune des élections européennes. Dans Élections de second ordre et responsabilité électorale dans un système de gouvernance à niveaux multiples, Nicolas Sauger établit que « victimes de campagnes courtes et dominées par les enjeux nationaux, négligées par les partis et les élites politiques, ces élections semblent avant tout illustrer le constat d’une volatilité électorale croissante ».

Si elles ne mobilisent pas sur des problématiques européennes, les élections ne sont pas pour autant des copies conformes des résultats des élections nationales. Souvent utilisées comme vote sanction, elles sont aussi l’occasion pour les petits partis ou l’abstention de battre des records, toujours selon Nicolas Sauger. Pour le professeur au Centre d’études européennes et de politique comparées, cela s’explique par la perception du scrutin européen comme une « respiration, où l’électeur peut voter différemment, se trouvant moins contraint par des logiques de vote utile ».