Consommation effrénée

Agriculture et industrie, alimentation en eau potable des villes : les usages de l'eau sont nombreux et dépassent parfois les ressources en eau renouvelable des pays.

Les Egyptiens auront soif

La situation de l'Égypte, déjà critique, va en s'empirant. Ces ressources en eau sont stables depuis les années 1950 : le débit du Nil arrivant du Soudan n'augmente pas. Mais il diminuera certainement dans les années à venir avec les projets de barrages développés par l'Éthiopie. Dans le même temps, la population égyptienne est en croissance constante. L'ONU estime qu'à la fin du siècle, les Égyptiens seront 2,2 fois plus nombreux qu'aujourd'hui. L'eau, déjà surexploitée, deviendra encore plus précieuse.

L'Égypte dispose aujourd'hui de 58,3 milliards de m3 par an, provenant à 97% de l'extérieur. Côté prélèvements, le pays use de 73,8 milliard de m3 d'eau chaque année, pompant allégrement dans ses réserves aquifères. Les usages agricoles sont majoritaires, suivi de l'adduction d'eau pour les villes et l'industrie. Cette consommation augmentant avec la population, le déficit est voué à s'aggraver.

L'Asie centrale le nez dans le coton

Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan, Turkménistan, Ouzbékistan : les anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale consacrent plus de la moitié, voire la quasi-totalité, de leurs prélèvements en eau au secteur agricole qui joue un rôle clé dans leur économie. La majeure partie de leur population rurale est employée dans ce secteur dont le développement a été rendu possible grâce à l’irrigation.

Il y a cinquante ans, quand l’Ouzbékistan faisait partie de l’Union soviétique, le Kremlin avait entrepris une tâche colossale : transformer ces terres ridées par la chaleur et celles des quatre Républiques voisines - une étendue de steppes désertiques aussi grande que l’Europe de l’Ouest - en une plantation de coton irriguée. Aussi fou que cela puisse paraître, les Soviétiques y sont parvenus. Ils ont réaménagé l’Amou Daria et le Syr Daria, les deux grands fleuves d’Asie centrale qui se jettent dans la mer d’Aral, construisant 32 000 kilomètres de canaux, 45 barrages et plus de 80 réservoirs. Ces étendues de terre sont devenues l’une des plus grandes plantations de coton du monde. Cette politique menée sous l’URSS pour doper l’agriculture a conduit à des désastres écologiques. Il y a encore quelques années, la mer d’Aral était sur le point de disparaître.

L’irrigation omniprésente en Asie centrale

Surfaces équipées pour l’irrigation en % des surfaces cultivées

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Un espoir pour la mer d'Aral

Mais une des plus grandes catastrophes écologiques du XXIe siècle est en train de changer de visage. Jusque dans les années 1950, la mer d’Aral, à cheval sur le Kazakhstan et l’Ouzbékistan, occupait 66  000 km2, deux fois la superficie de la Belgique. Cet immense lac salé était la quatrième plus grande étendue d'eau intérieure du monde. La politique d'irrigation menée par l'URSS à partir des années 1960 l'a quasiment asséchée. Mais aujourd’hui la mer d’Aral renaît peu à peu.

L'immense gaspillage perdure

L’Union soviétique n’existe plus depuis longtemps mais la tradition de gaspillage des ressources en eau perdure. Les cinq pays de la région - l’Ouzbékistan avec ses deux voisins arides, le Turkménistan et le Kazakhstan, et ses deux voisins montagneux, le Tadjikistan et le Kirghizistan - se sont habitués à utiliser l’eau gratuitement. Ils ont épuisé le débit naturel de l’Amou Daria et du Syr Daria. Leur demande excède de 25% le débit annuel des deux grands fleuves. Au Kazakhstan, alors que l’approvisionnement en eau est de plus en plus limité, pas moins de 80 000 hectares de riz sont cultivés, soit 6475 kilomètres carrés de rizières inondées. Et les Ouzbeks en cultivent presque autant.
Le manque d’entretien des systèmes hydrauliques est un autre facteur de gaspillage. Du temps de l’Union soviétique, le Kremlin dépensait chaque année plus de 120 dollars par hectare pour la maintenance des systèmes d'irrigation. Aujourd’hui, l’Ouzbékistan y consacre moins de 50 dollars et le Tadjikistan à peine 8. Le réseau d’irrigation souffre de ce fait d’énormes déperditions. Il est en si mauvais état que, par endroits, il perd davantage d’eau qu’il n’en distribue. C’est le cas du canal du Karakoum, un ouvrage de 1340 km de long qui traverse le désert turkmène. D’après le gouvernement, 28% de son eau disparaît dans le sable mais, selon les scientifiques, le taux de déperdition serait plus proche de 60%. Sans une meilleure gestion du réseau hydrographique, cette région de 67 millions d’habitants semble condamnée à une crise de l’eau.