Titre reportage

/ Camille Wong

Pour devenir agriculteur, l’héritage familial ne suffit plus. De solides compétences sont désormais nécessaires aux jeunes désireux de rependre une exploitation. Les écoles doivent, elles aussi, s’adapter aux évolutions du métier.

La mue des lycées agricoles

Tournant écologique, formation plus longue, échanges internationaux : à l’image du lycée du Pflixbourg à Wintzenheim, la formation agricole, du secondaire au BTS, est en pleine mutation.

Les élèves du lycée du Pflixbourg bénéficient de locaux tout neufs au pied des Vosges. / DR

« Le bio, c’est l’avenir. Les gens veulent contrôler leur consommation et on ne peut plus produire à outrance », assure Zoé Cendre, 24 ans. La jeune femme pétillante, en reconversion professionnelle après être passée par le graphisme, alterne entre des cours au lycée agricole du Pflixbourg, à Wintzenheim dans le Bas-Rhin, et sa formation en apprentissage chez un maraîcher à Strasbourg. Citadine assumée mais amoureuse de la nature, elle veut, à terme, développer sa propre exploitation bio périurbaine.

Dans son lycée, 360 jeunes, formés de la Seconde au BTS, ont accès à 12 hectares de terrains, répartis entre les salles de classe, les trois serres pour les plantes et le maraîchage, et le magasin en vente directe. Ils y bénéficient d’une formation spécialisée, adaptée aux dernières évolutions du monde agricole, comme leurs camarades des 800 établissements spécialisés en France.

Chaque semaine, les Seconde bac pro du Pflixbourg suivent 3h de travaux pratiques. / Camille Wong

Le lycée Pflixbourg, centré sur le domaine horticole, s’inscrit dans l’ère du temps. Il sensibilise ses élèves à des procédés alternatifs : utiliser des insectes ravageurs plutôt que des produits phytosanitaires, réutiliser les déchets de culture ou encore prendre soin des sols. Une orientation voulue depuis 2014 et l’entrée en vigueur de la loi d’avenir pour l’agriculture. L’objectif affiché par le gouvernement de l’époque : favoriser la transition de l’agriculture française vers l’agro-écologie.

« Nous nous adaptons à la demande »

Une volonté que l’on retrouve dans les lycées qui forment aux métiers de la production agricole : « Nous nous adaptons à la demande de la société sur le propre et le sain, explique Hervé Montigny, directeur de l’Etablissement public local d'enseignement agricole (Eplea) à Metz. Nous formons nos élèves pour les aider à prendre en compte les enjeux écologiques. Par exemple, s’ils choisissent un tracteur, ils doivent avoir conscience de son empreinte carbone. »

Chez les nouvelles recrues, la prise de conscience écologique opère. Quentin Auffret, 20 ans, a choisi l’agriculture avec un but précis : « J’aspire à inventer de nouvelles méthodes de production afin de monter en qualité tout en assurant un rendement suffisant. » Avec un tel projet, impossible de se contenter d’un bac. En dernière année de BTS production horticole, le jeune homme compte poursuivre ses études en école d’ingénieurs avant de se lancer dans la recherche.

Quentin Auffret, Quentin Renoul et Benjamin Mebold entament leur dernière année de BTS en production horticole. / Camille Wong

« Les études et les postes de travail ont évolué, développe Hervé Montigny. Désormais, pour être capable de piloter une entreprise et reprendre une exploitation, les jeunes poursuivent leurs études de plus en plus loin. » Aujourd’hui, 30 % des diplômés du bac pro continuent leur cursus jusqu’au BTS agricole, un tiers de plus qu’en 2011.

« Le niveau bac permet d’acquérir les bases. Le BTS aide à se spécialiser », complète Quentin Renoul. Ce jeune homme de 19 ans, étudiant en production horticole, souhaite dès l’année prochaine reprendre une exploitation et, pour s’y préparer, atteindre un niveau bac+2 lui paraît indispensable.

Un développement à l’international

Autre signe d’évolution des cursus agricoles, les établissements envoient de nombreux étudiants approfondir leur formation à l’étranger pour voir ce qui se fait ailleurs. L’année dernière, 21 000 jeunes sont partis dans un autre pays, dont 86 % en Europe.

Développer la coopération internationale, c’est aussi casser les préjugés dans la formation agricole. « L’appellation “agricole” n’est pas représentative et porte l’idée d’un diplôme “au rabais”, précise Marie-Adélaïde Glaude, proviseure au Pflixbourg. Elle sous-entend que les lycées ne forment les jeunes qu’au métier d’agriculteur. » On y trouve pourtant d’autres filières, comme les services à la personne ou la vente.

Depuis une dizaine d’années, le nombre d’élèves dans ces lycées, BTS inclus, reste stable en France, autour de 200 000 jeunes. Mais la filière de la production agricole voit ses effectifs baisser. « Comme tous les métiers où les conditions de travail sont difficiles, l’agriculture est moins attractive », constate Muriel Mahé, chargée de mission Formation et métiers au centre statistique du ministère de l’Agriculture. En 1991, la moitié des élèves des lycées agricoles suivaient une formation pour devenir producteur. En 2015, ils étaient à peine plus d’un tiers.

200 000

élèves en lycée agricole

Corentin Parbaud et Camille Wong, à Wintzenheim

Qui sont les jeunes dans ces lycées ?

Les enfants d’agriculteurs ne représentent plus que 12 % des élèves dans les établissements, contre 40 % en 1985. Près de 60 % d’entre eux sont aujourd’hui enfants d’ouvriers et d’employés. Ces nouveaux élèves se dirigent majoritairement vers les services, comme auxiliaire de vie sociale en milieu rural ou animateur en gérontologie, qui représentent désormais 45 % des diplômes. « L’enseignement agricole s’est progressivement “désagricolisé”», constate Muriel Mahé, auteure en 2015 d’une étude sur le sujet pour le Centre d’études et de prospective du ministère de l’Agriculture. Pourtant, les diplômés en production agricole s’insèrent aussi facilement que leurs autres camarades du lycée : 9 bacheliers sur 10 trouvent un emploi moins de trois ans après leur sortie d’école.

Camille Wong

Boutton pour remonter en haut de la page