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Huit règles de bonne conduite


19 décembre 2006

 

Au quotidien, le Secrétariat général aux affaires européennes fait constamment le lien entre Paris et Bruxelles, entre les ministères et la Représentation permanente.

1) Choisir qui est concerné par les documents de l’Union européenne
Une communication de la Commission sur la politique de voisinage avec l’Europe orientale et la Méditerranée, par exemple. C’est au secteur "Elargissement" du Secrétariat général des affaires européennes (SGAE), qui la reçoit par l’intermédiaire de la Représentation permanente (RP) française à Bruxelles, de choisir quels ministères sont susceptibles d’être concernés. Affaires étrangères, Justice, Economie et Finances, etc. : le chef de secteur ou l'adjoint l’envoie par courriel aux administrations sélectionnées. Souvent, le panel s’avère assez large. « Il n’existe plus beaucoup de ministères qui échappent à la sphère communautaire », constate Serge Guillon, secrétaire général adjoint.

2) Echanger avec l’avant-garde française à Bruxelles
L’essentiel pour comprendre les possibilités réelles de peser sur un texte, c’est de communiquer avec l’avant-garde sur le terrain. « Mes adjoints parlent avec les correspondants de la RP au moins dix fois par jour », souligne Florence Ferrari, chef du secteur Elargissement. Chacun passe une ou deux heures au téléphone avec son interlocuteur privilégié à Bruxelles, pour discuter des sujets qui passent dans les groupes de travail du Conseil. Sans compter les courriels. Les « bruits de couloir » qui parviennent aux oreilles de la RP apparaissent d’autant plus précieux pour le SGAE depuis l’élargissement de l’Union à dix nouveaux Etats membres en mai 2004. Les personnes à convaincre sont plus nombreuses, la pondération des voix a changé et le poids des nouveaux parlementaires dans le processus législatif doit être pris en compte. Les échanges informels en amont se multiplient à Bruxelles. Toutes ces informations concourent à définir la base de la ligne qui sera défendue plus tard de façon officielle.

3) Désigner un ministère « chef de file »
Pas toujours évident de désigner le ministère « chef de file », a priori le plus concerné par telle proposition de la Commission. Même si parfois deux « chefs de file » peuvent être désignés sur un sujet, comment déterminer par exemple celui d’une proposition de directive sur la reconnaissance des qualifications professionnelles ? C’est important car il peut peser un peu plus dans la négociation interministérielle, avant le Conseil. En général, c’est lui qui étudie l’impact du texte proposé sur le droit français. Il doit aussi prendre en compte ses effets potentiels sur les activités professionnelles, les collectivités locales... Leur consultation n’est pas vérifiée par le SGAE, mais pour les sujets sensibles, les chefs de secteur et les secrétaires généraux adjoints peuvent avoir des contacts informels avec des associations, des organisations syndicales et patronales, etc., pour recouper les informations des ministères. Ce qui fut le cas avec les notaires sur la directive services par exemple.

4) Définir une ligne
Dans le secteur Elargissement, qui traite l’une des priorités européennes de ce semestre, les ministères peuvent disposer de trois jours à quelques heures pour définir leur position initiale sur les projets de la Commission ou les compromis de la présidence. Une fois précisé ce qu’ils pensent de la proposition, le chef de secteur décide éventuellement de les réunir, notamment en cas de désaccord. Même si parfois certains ne répondent pas à l’invitation, décidant que le texte en question ne les concerne pas. « Pour la dernière réunion que j'ai présidée, on disposait d’une position consolidée et signée du ministère de l’Agriculture, moins formelle mais par écrit du ministère des Affaires étrangères, non écrite de Bercy, moins concerné par le sujet, raconte Florence Ferrari. J’ai réuni mes deux adjoints pour mettre en commun nos informations et voir la ligne vers laquelle on pouvait se diriger. » Le secrétaire général adjoint Serge Guillon résume: « Le SGAE doit définir des priorités de négociations, identifier ce qui pose problème, les points sur lesquels la France peut céder ou non… Parce que les ministères ont tendance à présenter tout comme prioritaire, ils n’ont pas de vision horizontale comme nous. »

5) Confronter
Représentation permanente et ministères La visioconférence est une manière d’instiller une culture du communautaire et du compromis dans l’administration française. Le système a des avantages, notamment pour le SGAE qui se trouve au cœur d’un réseau de contraintes. « Cette méthode de travail est intéressante pour tout le monde, affirme Lionel Rinuy, chef du secteur Espace judiciaire européen. Les experts parisiens s’informent sur le souhait de la présidence d’aboutir ou non sur tel texte, le contexte dans lequel une réunion a lieu, etc. Et les conseillers RP, moins spécialisés, car ils traitent par exemple à la fois du droit civil et du pénal, bénéficient de l’expertise de leurs collègues parisiens sur le sujet traité. » Ils entendent également les préoccupations des ministères, en direct.

6) Préparer les consignes de négociation
Après une réunion interministérielle, le projet d'instructions est en général rédigé par un adjoint du chef de secteur. Ces fiches indiquent l’objectif recherché par la réunion et suggèrent des arguments. Elles se divisent en général en deux parties : l’état du dossier, les « éléments de langage » à utiliser. Une relecture, éventuellement une confirmation par le secrétaire général adjoint, et le chef de secteur les envoie à la RP par courriel. Voire par téléphone juste avant la réunion, ou si elle a déjà commencé et que des précisions semblent nécessaires. « En sachant que dans la pratique, la RP est toujours en copie dans les échanges donc elle a une idée de ce à quoi vont ressembler les instructions», précise Florence Ferrari.

7) Les transmettre officiellement
Même si pour des sujets sensibles, la secrétaire générale Pascale Andréani peut relire les instructions, elles sont toujours signées par ses adjoints. Ceux-ci les envoient par télégramme diplomatique codé, dans une petite salle à l’accès réservé. « Ce degré de formalisme est nécessaire pour fixer la position française, et pour les archives », estime la chef du secteur Elargissement.

8) Obtenir un retour
Le jour même de la réunion du groupe de travail, du Coreper ou du Conseil, le SGAE reçoit le compte-rendu par courriel et par télégramme diplomatique. La RP l’écrit de manière hiérarchisée, avec beaucoup de précision. Celui-ci est également adressé au ministère des Affaires étrangères, avec copie aux postes diplomatiques et ministères concernés. Comme certains ministères n’ont pas l’habitude de recevoir des télégrammes diplomatiques, qui mettent parfois des jours à arriver au bon interlocuteur, le SGAE envoie par courriel à la personne qui suit le dossier les parties qui la concernent.

Jeanne Cavelier

 

Créé le 25 juin 1948, rebaptisé le 17 octobre 2005
Hôtel Matignon, rue de Varennes, Paris 7e
Effectif: variable

Une première : le 6 novembre, le comité interministériel sur l’Europe a été retransmis en direct sur Public Sénat. Au menu, la panne de courant européenne du 4 novembre, la directive sur le temps de travail (en cours de négociation), ainsi que la procédure ouverte par Bruxelles contre la France pour ses déficits excessifs. Depuis l’invention du petit écran, seuls la sécurité routière et le développement durable ont eu droit à un tel traitement. Créée à l’occasion du plan Marshall, cette instance d’arbitrage politique en dernier ressort a connu une existence à éclipses. Lionel Jospin en a fait usage régulièrement, pour cause de majorité plurielle. En juillet 2005, Dominique de Villepin l’a réveillée d’un long sommeil au lendemain du référendum.

La leçon du "non" au référendum

Depuis, le CIE se réunit une fois par mois. La secrétaire générale du SGAE, Pascale Andréani, et le représentant permanent à Bruxelles, Pierre Sellal, y sont présents. « Véritable outil de coordination politique », selon Dominique de Villepin, le Comité ambitionne « d’anticiper les enjeux à venir », de garantir un suivi politique des négociations européennes, de déterminer la position française et d’offrir la possibilité aux ministres de faire connaître leurs propositions. Dans les faits, le CIE est surtout un outil de communication. « Il marque notre volonté de tirer les leçons du 29 mai. […] Les Français demandent davantage d’explication, davantage de pédagogie, davantage de transparence sur l’Europe », a déclaré le Premier ministre à l’ouverture du 12ème CIE. Les décisions continuent de se prendre ailleurs.

Guillaume Guichard

Le décret Villepin du 17 octobre 2005

La rubrique Europe de Matignon

 

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