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Liaisons dangereuses au Pays Bas


15 mars 2012

Cela sonne presque comme un ultimatum. Dans une résolution sur le site Internet discriminatoire de Geert Wilders et de son parti d’extrême-droite, le Parti pour la Liberté (PVV), Strasbourg met le gouvernement néerlandais face à ses responsabilités. Mark Rutte, le premier ministre hollandais, doit "condamner cette déplorable initiative et s’en désolidariser au nom de son gouvernement" et arrêter de "fermer les yeux sur les orientations du Parti pour la liberté (PVV) qui sont contraires aux valeurs fondamentales de l’Union européenne". Le ton, qui rappelle celui employé pour s'adresser au gouvernement hongrois, traduit un malaise grandissant des parlementaires européens vis-à-vis des Pays-Bas.

Le site incriminé, lancé le 8 février dernier, invite les citoyens des Pays-Bas à dénoncer "les nuisances et la pollution" générées par les ressortissants immigrés de l’est de l’Europe, au premier rang desquels les polonais. Geert Wilders, tête de file du PVV, revendique "plus de 32.000 réactions" en l’espace d’un mois et demi. Les réactions se multiplient dans l'Union face au silence des autorités néerlandaises : une lettre ouverte de protestation a été rédigée par une dizaine d’ambassadeurs des pays d’Europe de l’Est à Bruxelles, et la Commission Européenne s’est empressée de qualifier le site de "discriminatoire". Tout comme aux Pays-Bas, où plus de 6000 plaintes ont été reçues par l’Office de l’anti-discrimination, sans résultat pour le moment.

Le "silence assourdissant" du premier ministre

Du côté du premier ministre libéral Mark Rutte, rien, ou très peu : le 13 février, le chef du gouvernement néerlandais a annoncé qu’il " ne prendrait pas position", arguant que ce site était "celui d’un parti et non celui du gouvernement". Une déclaration suffisante pour provoquer l’ire des parlementaires, qui, lors d'un débat animé, ont dénoncé "une politique de la chaise vide" et vertement fustigé le "silence assourdissant" du chef de gouvernement. Circonstance aggravante, Mark Rutte, qui devait être présent lors du débat, venait d'annuler sa venue à l'ultime moment. "Il doit assumer ses responsabilités, sans quoi il s’inscrira dans l’illustre lignée des Berlusconi et autres Orban", a déclaré la députée Marije Cornelissen (Verts). Hannes Swoboda (S&D) a évoque un site "horrible" et s’en est directement pris à la politique du gouvernement, en lançant : "Il y a un gouvernement qui empêche encore les roumains et les bulgares d’accéder à Schengen, celui des Pays-Bas : quel hasard !", avant de rappeler que "[le PVV] et le gouvernement travaillent ensemble".

C'est que contrairement à une majorité de partis d’extrême droite européens, le Parti de la Liberté de M.Wilders n’est pas cantonné  à un rôle de trublion politique. Au parlement néerlandais, le PVV il détient 24 sièges sur 150, suffisamment pour être indispensable au gouvernement de coalition centre-droit de Mark Rutte, dont la réputation vertueuse est désormais fragilisés par la révélation de son déficit public (4,5%). Pour la majorité des députés, tout le problème est là.

Le PVV, provocateur notoire

Le remuant Geert Wilders, eurosceptique et notoirement islamophobe, n’en est pas à son coup d’essai : en 2008, c’était déjà lui qui avait comparé le Coran à « Mein Kampf » d’Adolf Hitler, avant de s’en prendre à la reine Béatrix, le 12 janvier dernier, parce qu'elle qu’elle portait un voile lors d'une visite aux Emirats Arabes Unis. Le lancement de ce site Internet semble avoir été la provocation de trop.

Thibault Prévost

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