Vous êtes ici

Le Parlement européen donne son feu vert à l’accord UE-Andorre contre le secret bancaire


10 mars 2016

Les députés européens ont voté massivement mercredi 9 mars en faveur de l’accord visant à davantage de transparence fiscale entre l’Union européenne et la Principauté d’Andorre, réputée pour son opacité fiscale. Désormais, les administrations échangeront automatiquement les renseignements concernant les comptes de leurs résidents respectifs.

Trois questions à Miguel Viegas, eurodéputé portugais du GUE/NGL (gauche radicale), rapporteur sur l’accord UE-Andorre au nom de la commission parlementaire aux affaires économiques et monétaires.

L’accord a obtenu le soutien massif de 647 députés sur 751. Que contient-il ?

La politique fiscale est une compétence des Etats membres. Tout ce que l’Union européenne peut faire, c’est essayer de coopérer au niveau de l’échange des informations. La concurrence est le fondement juridique de l’intervention de la Commission ou du Conseil. Or, si un Etat accorde des avantages fiscaux à une entreprise, c’est de la concurrence déloyale.

C’est pourquoi l'un des éléments majeurs pour le combat contre la fraude et l’évasion fiscale est l’échange automatique d’informations. Une coopération existait déjà avec Andorre mais elle ne fonctionnait pas parce qu’il y avait toujours des moyens de contourner la loi.

Avec le nouvel accord, l’échange entre les administrations fiscales sera automatique, obligatoire et beaucoup plus large à compter de 2018 pour les informations recueillies depuis le 1er janvier 2017. Cela concerne les revenus tels que les intérêts et les dividendes, mais aussi les soldes de comptes et les produits issus de la vente d'actifs financiers.

En quelques mois, plusieurs accords fiscaux ont été négociés avec d’autres Etats. Comment expliquer cette accélération dans la lutte contre le secret bancaire ?

L’événement déclencheur a été l’affaire Luxleaks révélée par des journalistes en 2014. Devant l’indignation de l’opinion publique, la Commission s’est sentie obligée d’agir contre la fraude et l’évasion fiscale, notamment parce que son nouveau président, Jean-Claude Juncker, était directement impliqué en tant qu’ancien Premier ministre luxembourgeois.

La Commission a donc lancé un plan d’action en juin 2015 pour une fiscalité plus juste et efficace au sein de l’UE, qui se concrétise à travers une série de directives. Suite en particulier à la modification de la directive sur la coopération administrative, tous les accords existants en la matière ont dû être réactualisés.

Le scandale Luxleaks a également eu un impact au niveau de l’Organisation de coopération et développement économique (OCDE). Un plan baptisé BEPS (Erosion des bases taxables et transfert de bénéfices) a été annoncé en octobre 2015. Il propose 14 recommandations afin d’éviter que les entreprises multinationales puissent manipuler leurs transactions internes pour drainer leurs profits dans des pays où ils ne paient pas d’impôts.

Vous étiez le rapporteur fictif des précédents accords avec la Suisse et Saint-Marin. Vous êtes le rapporteur de l’accord avec Andorre. Lutter contre l’évasion fiscale est important pour vous ?

Oui. C’est ignoble, ça représente des millions et des millions d’euros qui ne rentrent pas dans les coffres publics. On a des politiques d’austérité, des hausses d’impôts, des baisses de salaires, des licenciements de fonctionnaires, des fermetures de services publiques… Tout le monde devrait payer ses impôts de façon juste. Au sein du groupe GUE/NGL, on défend l'idée que l’impôt devrait être payé là où la richesse est créée.

Le problème repose sur le fait que les avantages compétitifs des petits pays (Suisse, Liechtenstein, Saint-Marin, Malte, Andorre, Monaco) sont justement ces conditions fiscales particulières. Ces mesures vont porter un coup énorme à leur économie. L’enjeu est stratégique.

Chloé Duval

Imprimer la page