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Le Parlement européen proteste contre l'accord avec la Turquie


11 mai 2016

Lundi 9 mai, la commission du Parlement européen en charge des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) s'est rassemblée pour une réunion extraordinaire sur l’accord passé entre la Turquie et l’Union européenne le 18 mars dernier. Jusqu'ici écartés des discussions, les eurodéputés ont souhaité faire entendre leur position sur ce texte qui n’a pour l’instant aucun statut juridique. 

« Le Parlement n’est pas prêt à signer l’exemption des visas, il y a trop de points de dissensions». Mercredi 11 mai, le président du Parlement européen Martin Schulz s’est exprimé sur l’accord entre l’Union européenne et la Turquie. Initié en novembre 2015 par le Conseil européen et la Commission européenne, cet accord annoncé le 18 mars et précisé le 4 mai a suscité de vives réactions parmi les députés européens.

Déjà lundi 9 mai, la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) s’est réunie afin d’évoquer les aspects juridiques de cet accord dont le but est de résoudre la crise migratoire européenne. En présence d’un juriste du Parlement européen, les eurodéputés ont tenté de comprendre le statut de cet arrangement inédit. « On est pour l’instant très loin d'un accord international officiel », leur a expliqué l’expert européen, Daniel Warin. Les eurodéputés se sont dès lors attachés à préciser les moyens d’action dont ils disposent pour peser sur le dossier. « Pour un tel accord, la voix du Parlement doit être entendue» a insisté la députée italienne du groupe souverainiste EFDD, Laura Ferrara.

Plusieurs points de discorde

La question de la libéralisation des visas a déjà été intégrée à l’agenda du Parlement qui devrait pouvoir se prononcer sur le sujet dans les prochaines semaines. L'accord UE-Turquie prévoit d’alléger les conditions d’accès à l’espace Schengen pour les citoyens turcs dès la fin du mois de juin. Pour beaucoup de parlementaires, cette disposition est le principal point d'achoppement de l'accord. Les eurodéputés de la commission LIBE n'ont ainsi pas hésité à questionner le bien fondé d'un assouplissement demandé de longue date par le président turc Recep Erdogan, au moment même où les accusations de dérives autoritaires se multiplient à son encontre. « Pourquoi conviendrions-nous d’un accord avec un pays qui enferme les artistes et les journalistes ? » s'est ainsi étonnée lors de la réunion l'eurodéputée italienne Barbara Spinelli (GUE, gauche radicale). La Commission européenne, elle, se veut optimiste. Assurant que le Conseil et le Parlement ont été saisis du dossier dès le 4 mai, elle considère «que les deux institutions ont amplement le temps de se positionner» et de trouver un compromis leur convenant d'ici la fin juin. De son côté, le président Erdogan a fait savoir le 10 mai, qu'il était prêt à attendre fin octobre pour voir les mesures concrètes des européens.

En revanche, concernant le système de renvoi des migrants en Turquie également prévu dans l’arrangement du 18 mars, le Parlement ne pourra donner qu’un avis consultatif. C’est le Conseil européen qui aura le dernier mot. Toutefois, cela n’empêche pas certains eurodéputés de s’exprimer et d'accuser le pouvoir turc de ne pas respecter les droits de l'homme. Cecilia Wilkstrom, eurodéputée suédoise (ALDE, libéraux) juge ainsi que l’accord avec la Turquie est une «farce » et mentionne les «migrants syriens sur lesquels on tire à la frontière turque» faisant référence à un rapport de l'ONG Human Right Watch publié en avril.

Dernier obstacle, la question de l'aide financière supplémentaire accordée à la Turquie pour gérer le flux de migrants. Début mars, Ankara avait réclamé une nouvelle somme pour son « Fonds pour les réfugiés de Turquie », en plus des 3 milliards déjà alloués en novembre dernier. De nombreux eurodéputés se sont montrés hostiles à cette possibilité. « Il n’est pas sérieux de donner davantage d’argent à un pays qui se moque de l’Union européenne » s'est étonnée l'enrodéputée belge Helga Stevens (ECR, conservateur), « au lieu de le distribuer mieux à l’intérieur de l’Union qui comporte déjà beaucoup de migrants ». Les négociations promettent d’être encore longues entre le Parlement, le Conseil et la Commission. Mercredi 11 mai, un débat ajouté à la dernier minute sur la question des visas a duré plus de deux heures et a donné à voir la forte opposition des eurodéputés à l'accord présenté le 18 mars. 

Camille Pauvarel

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