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Vers des sanctions économiques contre les militaires birmans


12 février 2021

Les députés européens ont condamné le coup d’Etat en Birmanie et appelé la diplomatie européenne à envisager des sanctions ciblées sur les militaires au pouvoir.

Le Parlement européen a adopté, jeudi 10 février une résolution pour dénoncer le récent coup d’Etat militaire en Birmanie. Le 1er février,  le gouvernement démocratique de Aung San Suu Kyi a été renversé par le général Min Aung Hlaing. Les manifestations se sont depuis multipliées dans les rues birmanes pour réclamer la libération des dirigeants incarcérés et le retour à la démocratie. Selon l’eurodéputé allemand David McAllister (PPE, centre-droit), président de la Commission parlementaire aux affaires étrangères, « tous les instruments devraient être sur la table pour réagir. Y compris des sanctions vis à vis des dirigeants militaires. »

L’Union européenne souhaite cependant maintenir un lien fort avec la Birmanie, qui bénéficie d’aides financières et politiques depuis la mise en place d’un gouvernement civil en 2011.  En plus d’un soutien global à la population, et d’un appel à la coopération internationale, la résolution réclame une enquête sur l’accord « tout sauf les armes. » Depuis 2001, cet accord permet à 49 pays en voie de développement, dont la Birmanie, d’exporter leurs produits vers l’Union européenne à des conditions avantageuses.

La cheffe du gouvernement élu Aung San Suu Kyi, à la Commission Européenne le 2 mai 2017

"Mettre en place des sanctions intelligentes"

La possibilité d’appliquer des sanctions économiques aux entreprises birmanes et de supprimer totalement leurs accès préférentiels au marché européen n’a pour le moment pas été retenue par les eurodéputés. En effet, comme le rappelle Sophie Brondel, coordinatrice de l’Association Info-Birmanie, ce type de mesures « pénaliserait nécessairement la population » et pourrait ne pas suffire à décourager des militaires qui ne cherchent de légitimité « ni sur le plan national ni sur le plan international ».

Dès lors, ce sont des actions ciblées spécifiquement sur les seuls hauts gradés militaires birmans et leurs capitaux qui ont été privilégiées. Comme l’explique l’eurodéputé Lukasz Kohut (S&D, social-démocrate), il s’agit pour l’Union européenne de « se coordonner, pour mettre en place des sanctions intelligentes, qui ne toucheront pas la population. » Pour Sophie Boisseau du Rocher, chercheur associé au centre Asie de l’IFRI, « la marge de manœuvre est excessivement fine, les militaires sont très bien organisés, les circuits financiers ne passent plus par l’Occident. »

Prenant bonne note des préconisations des eurodéputés, Josep Borrell,  Vice-président de la Commission et Haut représentant de l’Union Européenne, a néanmoins appelé à la patience et à la réflexion. « Nous devons nous concentrer sur deux objectifs : la libération inconditionnelle des personnes emprisonnées, et le développement d’une forme de dialogue. » a-t-il ainsi temporisé en clôture de son intervention au Parlement le 10 février. C’est désormais aux ministres des Affaires étrangères des 27 Etats membres qu’il reviendra de décider de l’adoption d’éventuelles sanctions lors de leur prochaine réunion prévue à Bruxelles le 22 février prochain.

Pierre Thevenet 

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