15 février 2012
L'accord pour la libéralisation des échanges entre l'UE et le Maroc suscite débats et controverses avant le vote très incertain de jeudi. Le texte, enjeu important qui divise les groupes politiques, prévoit la mise en oeuvre d'une plus grande libéralisation des échanges de produits agricoles et de la pêche entre l'Europe et le Maroc. Ce dernier pourra ainsi exporter un plus grand volume de ces produits que dans les conditions actuelles, suscitant la colère des agriculteurs espagnols.
La Commission du commerce international a voté pour, à 21 voix contre 7 et une abstention, désavouant José Bové (Les Verts-ALE), rapporteur du dossier, qui réclame maintenant son rejet par la plénière. Au cours d'une séance plénière mardi à Strasbourg, les eurodéputés espagnols ont tempêté contre le projet.
La question qui partage le plus, c'est celle de la concurrence déloyale que risque d'entraîner l'adoption de cet accord. Les opposants craignent que les produits agricoles marocains, aux coûts plus faibles qu'en Europe, n'affaiblissent les producteurs européens. En Espagne, une centaine d'agriculteurs ont jeté mardi quelque 200 kilos de tomates contre la représentation du Parlement européen à Madrid. Ils appelaient les eurodéputés à ne pas les "trahir" lors du vote. D'autres manifestations sont prévues mercredi et jeudi dans tout le pays.
Parmi les autres arguments avancés, la question du statut du Sahara occidental, dont l'annexion de facto par le Maroc n'est reconnue ni par l'UE, ni par les Nations Unies. Or l'accord inclut ce territoire non reconnu, ce qui pose un problème juridique si des produits agricoles viennent de son sol. Le rapporteur du dossier, explique qu'il faudrait renégocier l'accord une fois cette question "purgée devant la Cour européenne de Justice". Les conditions de travail au Maroc et l'impact environnemental de la culture de légumes, grands consommateurs d'eau, sont également mis en avant.
Si les Verts-ALE et les GUE/NGL (gauche) ont une position commune contre le projet, la situation n'est pas aussi claire dans les autres groupes. Ainsi, différents sons de cloche se font entendre au sein du S&D de l'ALDE ou du PPE. Au sein du groupe de droite, les espagnols sont vent debout contre l'accord. Mais Joseph Daul, à la tête du PPE, estime l'accord nécessaire, sous peine de voir "les Chinois prendre le marché Méditerranéen dans les années à venir".
Le Conseil et la Commission européenne incitent les députés à voter oui. Stefan Füle, commissaire à la politique européenne de voisinage, estime que dans le contexte de réformes politiques et économiques engagées par le Maroc: "le rejet de l'accord lancerait un signal négatif" de la part de l'UE. Selon lui, accepter le texte permettra également de stimuler l'emploi dans le pays et de réduire ainsi pour les jeunes "l'idée de trouver une vie meilleure en Europe".
"Est-ce qu'on fait des accords pour créer un mur (migratoire) entre les deux continents? Soyons sérieux, cela concerne l'agriculture! Et c'est mauvais pour l'agriculture", explique José Bové.
Maxime Meyer