16 février 2012
Le Parlement européen choisit d'accorder un temps de sursis à la Hongrie, mais la pression conjuguée de la Commission européenne, du Conseil de l'Europe et du FMI sur le gouvernement de Viktor Orban se raffermit.
La Hongrie échappe, pour l'instant, aux sanctions. L'épée de Damoclès suspendue au-dessus du gouvernement hongrois depuis plus d'un mois n'est pas tombée : la résolution adoptée en séance plénière le 16 février fait part de « graves inquiétudes quant à la situation hongroise » mais n'appelle pas à des sanctions.
L'avertissement adressé par les groupes ADLE, S&D, Verts-ALE et GUE/NGL met l'accent sur « l'exercice de la démocratie, l'état de droit, le respect et la protection des droits de l'homme et des droits sociaux, le système d'équilibre des pouvoirs, l'égalité et la non-discrimination ». Il charge la commission LIBE (Libertés civiles, Justice et Affaires intérieures) de surveiller le respect des recommandations de la Commission et du Parlement et de publier un rapport qui sera utilisé par la Conférence des présidents pour décider ou non de faire appel à l’article 7 du traité sur le fonctionnement de l'Union.
Cette résolution n’est donc qu’un porte-voix pour hausser le ton face aux événements politiques hongrois . Mais c'est surtout une demi-victoire pour le PPE. Le groupe avait dénoncé une méthode « autoritaire » du Parlement, consistant à juger « avant la fin du procès ». « Il faut trouver un équilibre entre la nécessité de l’Union de ne pas accepter les dérives non démocratiques des pays membres, et éviter l’ingérence qui susciterait des réactions négatives au niveau international », a déclaré un membre du PPE. Sa résolution alternative, refusant les « attaques infondées contre la Hongrie qui remettent en cause les engagements démocratiques du gouvernement hongrois » a cependant été rejetée par les eurodéputés,.
La Hongrie a jusqu'au vendredi 17 février pour répondre aux lettres de mise en demeure de la Commission européenne. Si celle-ci estime ces modifications insuffisantes, elle pourrait recourir à des procédures d’infraction devant la Cour de justice de l’Union européenne. Le groupe PPE n’exclut pas non plus de « prendre des sanctions » voire « d’aller vers l’article 7 si la Hongrie ne coopère pas avec la Commission européenne ».
Une pression juridique, politique, financière, exercée de concert par la Commission, le Conseil de l'Europe et le Fonds monétaire international (FMI), s'applique aujourd'hui à la Hongrie.
Pression juridique, puisque le pays doit répondre à la triple procédure d’infraction lancée par la Commission le 17 février. Entre temps, le Conseil de l’Europe enquête sur le respect des droits de l’Homme et plus particulièrement de la liberté d’expression dans le pays. Les 16 et 17 février deux co-rapporteurs de la Commission de Venise, Jana Fisherova (République Tchèque, GDE) et Kertin Lundgren (Suède, ADLE) seront en visite d’information à Budapest.
Faute de véritable « coordination » au sujet de la Hongrie entre la Commission et le Conseil de l’Europe, c’est une « complémentarité » assumée qui, selon une source proche du Collège des commissaires, lie les deux instances. Lors de la dernière session parlementaire le président de la Commission, José Manuel Barroso, a souligné le rôle du Conseil « au titre des engagements pris par la Hongrie concernant la convention européenne des droits de l’homme ». Vendredi dernier, à l'occasion de sa rencontre avec le ministre de la Justice hongrois Tibor Navracsics la vice- présidente de la Commission Neelie Kroes a insisté pour que son gouvernement « se plie aux recommandations du Conseil de l’Europe » et ne se contente pas d’en prendre acte. La loi controversée sur les médias fait en particulier l’objet d’une surveillance convergente de la Commission et du Conseil.
La Hongrie est également sous pression financière. Fin janvier, le Conseil de l’Union a adopté une décision concernant l’insuffisance des mesures prises par le gouvernement pour ramener son déficit budgétaire en dessous de la barre des 3% du PIB. Si le pays ne peut encourir de sanctions financières au titre de la procédure des déficits excessifs, elle peut être privée des Fonds de cohésion de l’Union si elle ne respecte pas les recommandations du Conseil.
Enfin, le FMI et l'Union posent leurs conditions à l'Etat hongrois, en difficulté financière qui cherche à obtenir d'eux un crédit de 15 à 20 milliards d'euros. L'indépendance de la banque centrale hongroise est une condition préalable à toute négociation. « Le Fonds monétaire international ne reprendra pas les négociations avec la Hongrie sur une aide financière tant que Budapest n'aura pas pris des mesures économiques concrètes », a annoncé jeudi la représentante du FMI en Hongrie, Irina Ivachenko. Le gouvernement hongrois dit s’attendre à ce que les négociations reprennent en mars suivi de la conclusion d’un accord en avril. Un espoir jugé « optimiste » par les analystes économistes.
Mathilde Dondeyne