Le drapeau alsacien compte un nouveau défenseur : Unser Land, un parti créé en 2009. (Photo François Schnell / Flickr / CC)
Le parti Unser Land, « notre pays » en alsacien, présente ses candidats aux élections départementales dans 20 cantons alsaciens. Articulant écologie et régionalisme, il espère capitaliser sur le mécontentement envers la réforme territoriale.
Créé en 2009, Unser Land présente 20 binômes aux élections départementales alsaciennes des 22 et 29 mars. "Nous sommes le troisième parti le plus représenté derrière le FN et l'UMP, affirme Andrée Munchenbach, présidente du parti et conseillère municipale à Schiltigheim. Nous sommes un parti régional, régionaliste, pour ne pas dire autonomiste. Nous nous présentons contre les partis parisiens qui ont abandonné l'Alsace. Notre région a connu des moments de son histoire où elle s'est gérée par elle-même, comme au Moyen Âge ou plus récemment, lorsqu'elle disposait d'une relative autonomie au sein de l'empire allemand, avec un parlement autonome." La présidente du parti veut combattre "l'hypercentralisme parisien", cite les modèles fédéraux allemand, belge, espagnol et appelle de ses vœux "une vraie décentralisation, avec des régions qui disposent d'un budget sérieux et de vrais pouvoirs normatifs."
« Germanitude »
Le politologue Richard Kleinschmager y retrouve une "sensibilité ancienne, en Alsace, qui renvoie à l'autonomie de l'entre-deux-guerre et à des spécificités culturelles, comme la langue ou l'importance de la religion". Lors des élections cantonales de 2011, Unser Land avait remporté le canton de Sarre-Union, avant que son jeune candidat, David Heckel, démissionne de son poste de conseiller général pour rejoindre un travail à l'étranger. "Jusqu'à présent, cette sensibilité a eu peu de présence sur le terrain électoral, poursuit Richard Kleinschmager. Cette victoire a eu lieu dans un fief de l'autonomisme alsacien, où la « germanitude » a toujours été très forte, avec aussi une grande partie de la population protestante", analyse l'ancien directeur de la faculté de géographie de Strasbourg.
Cette fois, Unser Land compte bien surfer sur la vague de mécontentement contre le projet de réforme territoriale, qui prévoit la fusion de l'Alsace avec la Lorraine et la Champagne-Ardenne. "Nous sommes l'expression politique de ce mouvement populaire", veut croire Andrée Munchenbach. Selon Richard Kleinschmager, "le mouvement contre la réforme territoriale a créé une forte résurgence du sentiment régionaliste, y compris chez des jeunes, qui se disent « Paris ne nous comprends pas, ne nous respecte pas »".
Un souci écologiste
L'écologie est aussi un thème privilégié chez Unser Land : "Pour moi, c'est une articulation logique. Le régionalisme, c'est de la biodiversité culturelle", considère Andrée Munchenbach, qui se dit notamment favorable à un projet d'éco-taxe sur les autoroutes alsaciennes. Ancienne élue du parti Schiltigheim écologie, elle s'est ensuite rapprochée du Modem avant de rejoindre Unser Land. "Il y a toujours eu une sensibilité régionaliste du côté de l'écologie politique, surtout après mai 68", analyse Richard Kleinschmager. Mais pour Jacques Fernique, porte-parole régional des Verts en Alsace, il ne s'agit que d'une adhésion de façade. "Aujourd'hui, tous ceux qui font de la politique et qui se veulent modernes ont de l'écologie dans leur programme", estime le porte-parole, pour qui le parcours d'Andrée Munchenbach reflète tout de même une "absence de constance politique".
Alliés pour les élections régionales de 2010, Europe Ecologie et Unser Land avaient divorcé avant même le premier tour : "On a rompu après des déclarations et un comportement inadmissibles, notamment lors de la commémoration de la libération de la poche de Colmar, où apparemment, tout ce qui posait problème, c'était la présence de drapeaux tricolores et pas les nazis", raconte Jacque Fernique.
"Unser Land est la version tempérée d'un certain régionalisme alsacien, considère Richard Kleinschmager. Il y a du monde sur le créneau", ajoute-t-il, en référence au parti régionaliste Alsace d'Abord, classé à l'extrême droite. Alsace d'Abord ne présente qu'un seul binôme en Alsace, dans le canton de « Strasbourg 6 », ce qui pourrait permettre à Unser Land de récupérer ailleurs une partie des voix sensibles au discours régionaliste. "Ça confirme qu'Alsace d'Abord est sur le déclin et qu'Unser Land est le parti régionaliste alsacien qui monte", se réjouit Andrée Munchenbach.
Raphaël Boukandoura