Avec qui fait-on un enfant ? La première table ronde du forum européen de bioéthique s'est tenue cet après-midi, salle de l'Aubette, à Strasbourg. Elle ouvre le pas à six jours de débats, de conférences et de projections sur le thème « produire ou se reproduire ».
« Nous sommes l'anti-slogan, l'anti-manif. Nous ne cherchons pas à concilier, car certaines postures sont inconciliables, nous souhaitons en revanche ouvrir une réflexion et nourrir le débat. » C'est en ces termes qu'Israël Nisand, professeur de gynécologie-obstétrique a ouvert la 8e édition du forum européen de bioéthique de Strasbourg devant une salle de l'Aubette bondée.
Des enjeux de taille
Une heure avant le lancement des hostilités, une quinzaine de personnes fait déjà la queue à l'intérieur du bâtiment effilé du XVIIIe siècle. Marie ne manquerait les conférences du professeur Nisand pour rien au monde. Pour cette infirmière à la retraite, « les enjeux autour des questions de bioéthique sont de taille, puisqu'ils entrainent des changements profonds de la société. » Elle s'inquiète que l'homme ne finisse « par perdre toute sa spiritualité, si la science permet un jour à tout le monde d'avoir des enfants, sans acte reproductif ». Autre temps, autre mœurs, son amie Elisabeth, lui rétorque qu'il ne faut pas mettre certaines unions de côté. « Il est facile pour nous de juger, alors que nous avons eu des enfants naturellement », complète-t-elle.
Dans la file d'attente ou la grande salle de l'Aubette à majorité féminine, chacun y va de son petit commentaire. Au cinquième rang, Juliane et Christelle, 19 et 23 ans viennent rajeunir l'audience, et les tables rondes du forum sont l'occasion de compléter leurs connaissances sur la bioéthique. « C'est fascinant de voir qu'on arrive quasiment aujourd'hui à éradiquer la trisomie 21, lance Christelle, enthousiaste. En effectuant des analyses génétiques, notre société tend à devenir parfaite ». Pour Juliane, si les différentes méthodes de reproduction peuvent « aider les gens », elles ne sont « pas une mauvaise chose ». « Ce qui pose problème avec la GPA (gestation pour autrui) finalement, c'est de monnayer les mères porteuses », poursuit l'étudiante.
En guise d'introduction, la pédiatre Michèle Weil, en charge de l'animation du débat, demande à l'assistance pour savoir avec qui fait-on un enfant. « Avec le prince charmant ? Avec la bombe sexuelle qui nous faisait fantasmer étant adolescent ? Evidemment que non. En tout cas pas pour tout le monde », lâche-t-elle dans l'hilarité générale.
#PMA #AMP : « vers un véritable clivage entre l'amour et la reproduction » ?
Daniel Lemler , psychanalyste et psychiatre pose les enjeux de société face aux nouvelles techniques de #procréation #ProduireOuSeReproduire #FEB2018— FEBioéthique (@FEBioethique) 30 janvier 2018
Fait-on nécessairement un enfant avec son compagnon de vie ? Quels sont les risques de maladies génétiques en cas de consanguinité ? Y a-t-il un clivage entre amour et procréation ? Les invités de la table ronde (juriste, universitaires, généticien et psychanalyste) ont tenté d'y répondre, non sans humour. Les rappels de la loi sont les plus suivis. L'avocate et juriste strasbourgeoise Maud Nisand s'efforce d'illustrer son développement à travers des exemples concrets, comme lorsqu'elle évoque le droit d'épouser ou de faire un enfant avec la personne de son choix : « Non, mamie ne peut pas me forcer à épouser Charles-Edouard en menaçant de me déshériter. »
Après une heure et demi d'écoute studieuse, le micro circule dans le public. Les salves d'applaudissement alternent avec les huées, comme après l'intervention d'un sexagénaire grisonnant affublé d'une cravate rouge et jaune bariolée, qui dénonce ces femmes qui « collent des marmots aux hommes les plus aisés, sans leur consentement ». La séance se termine par la remarque empreinte de romantisme d'un lycéen de 17 ans, Hugo, qui s'interroge sur l'importance de la procréation, de l'origine de l'enfant sur la finalité. Aimer et élever son enfant, quelle que soit la méthode utilisée, médicale ou non, la question reste en suspens, lorsqu'un strident Larsen vient mettre un terme à la conférence et la question reste en suspens.
Robin Dussenne