Accusés de la mort de 3 000 Italiens, deux "barons" de l'industrie encourent 20 ans de prison. Le verdict du plus important procès contre l'amiante devrait tomber lundi. Une décision également très attendue par les victimes en France.
Selon un rapport de l'OMS datant de 2010, environ 125 millions de travailleurs à travers le monde sont exposés à l'amiante. (Crédit photo : BiblioArchive via Flickr)
Après six ans d'instruction, trois d'audiences, le procès "Eternit", du nom de l'entreprise mise en cause, touche à sa fin. 6000 parties civiles y ont participé. Deux industriels, l'ex-propriétaire du groupe suisse Eternit, une entreprise spécialisée dans la production d'amiante, et un ancien actionnaire belge de la filiale italienne du groupe encourent vingt ans de prison. Retour sur un procès fleuve dont le verdict est attendu lundi.
Le Belge Jean-Louis de Marchienne et le Suisse Stephan Schmidheiny sont accusés d'avoir provoqué "une catastrophe sanitaire et environnementale permanente".
Par leur gestion de la société, ils seraient responsables de la mort d'environ 3000 personnes en Italie. Parmi les victimes, des ouvriers mais également de simples habitants, là où Eternit avait ses usines.
Selon l'accusation, la contamination est due au non-respect des mesures de sécurité dans les usines.
La défense nie toute responsabilité directe dans cette affaire et a plaidé l'acquittement. Concernant les accusations de négligence, elle évoque la prescription des faits.
Les dirigeants considèrent que leur activité était légale puisque la filiale italienne d'Eternit a fait faillite en 1986, six ans avant l'interdiction de l'amiante en Italie. D'ailleurs, les deux milliardaires mis en cause ne se sont jamais présentés à la barre.
Des militants associatifs et syndicaux – français et étrangers – feront le déplacement jusqu’à Turin lundi. Côté français, ce procès fait renaître l'espoir parmi les victimes qui déplorent la lenteur de la justice française.
" L'instruction des plaintes pénales déposées il y a seize ans par des victimes de l'amiante s'éternise ", regrette l'association de défense des victimes françaises Andeva. Le patron français d'Eternit Joseph Cuvelier a bien été mis en examen fin 2009. Mais un non-lieu, le met pour l’instant hors de cause.
Le procès Eternit est aussi un " avertissement " pour ceux qui utilisent encore ce matériau, estime Bruno Pesce, coordinateur de l'association des familles des victimes de Casale Monferrato et Cavagnolo.
Car si l'amiante a été interdite définitivement dans toute l'Union européenne en 2005, plusieurs pays continuent de l'extraire et de s'en servir. En 2007, selon les données de l'Institut d'études géologiques des États-Unis, plus de 2 millions de tonnes ont été consommées dans le monde.
Selon un rapport de l'OMS datant de 2010, environ 107 000 personnes meurent chaque année de maladies liées à l'amiante.
Eléa Francois
(Crédit photo Bandeau : Bruno Laon via Flickr)