La mesure se veut pionnière pour une collectivité en France, et initiatrice d’un changement de mentalité, afin de briser le tabou des règles douloureuses et de la ménopause.
Les douleurs menstruelles sont habituellement ressenties dans le bas du ventre, mais peuvent s'étendre au dos et aux cuisses. Photo : Paul Ripert
Depuis le 1er septembre, l'Eurométropole de Strasbourg expérimente un congé de santé gynécologique. Ce dernier permet aux agentes souffrant de douleurs menstruelles, d'endométriose ou de symptômes liés à la ménopause de bénéficier de 13 jours d'absence exceptionnelle par an. Il est proposé aux 3 500 agentes employées par la collectivité. Le dispositif est novateur, car il prend en compte pour l’une des premières fois la ménopause dans les possibles raisons d’exiger un congé. “Le but est de briser ce tabou, explique Christelle Wieder, adjointe à la maire de Strasbourg Europe Écologie les Verts (EELV) en charge des droits des femmes et de l’égalité de genre. On souhaite que le monde de la santé et les femmes elles-mêmes puissent en avoir une meilleure connaissance.”
Les congés, d’une durée de trois jours maximum, prennent la forme d’autorisations spéciales d'absences. L’agente peut donc s'absenter de son poste sans utiliser ses droits à congés annuels, ni perdre en salaire. Il lui faudra fournir un certificat médical, valable deux ans, qui peut être délivré par un gynécologique ou une sage-femme.
La ville de Strasbourg a choisi de coupler ce dispositif à l’instauration de formations destinées notamment aux chefs d’équipe. Celles-ci doivent débuter en novembre, et seront centrées sur la santé gynécologique des femmes et de son impact au travail. “La formation dure deux heures, et est à destination de nos 900 manageuses et managers”, explique Christelle Wieder à Webex. Elles ne sont pas obligatoires, mais l'Eurométropole mise sur la présence de la “quasi-totalité” des managers.
Un an d’expérimentation, puis le bilan
Après un mois d’expérimentation, il est encore trop tôt pour donner des chiffres exacts. Mais des conclusions peuvent être tirées. “Dans les cas étrangers que nous avons pris en exemple, le dispositif a été utilisé par beaucoup moins de femmes que les statistiques de projection le font entendre”, analyse l’adjointe. Un premier bilan sera fait au bout d’un an, en septembre 2025. Il évaluera le nombre de femmes bénéficiaires, le niveau de diffusion de l’information concernant le dispositif, ainsi que l’impact des formations. Quant à savoir s’il sera renouvelé, la ville ne le sait pas encore, et se penchera sur la question au moment du bilan.
Si plusieurs collectivités sont intéressées par des expérimentations similaires, une généralisation en France devrait prendre plus de temps. En février, le Sénat avait rejeté une proposition socialiste visant à mettre en place un congé maladie dédié aux cas de dysménorrhée (douleurs menstruelles). Les personnes souffrantes auraient obtenu un arrêt de deux jours maximum par mois. Les raisons de ce refus sont diverses. Le ministre de la Santé de l’époque, Frédéric Valletoux, évoquait le “risque de discrimination à l’embauche” que pourrait provoquer cette avancée.
Une idée partagée par le Medef, qui craint que l’idée que les femmes ne puissent pas occuper les mêmes postes que les hommes soit renforcée. La sénatrice Béatrice Gosselin avait, elle, mis en garde contre le coût pour la Sécurité sociale, ainsi que les possibles atteintes à “l’intimité de la personne”. Des positions difficiles à entendre pour Christelle Wieder, adjointe à la maire de Strasbourg : “Une femme sera au contraire attirée par une entreprise ou une collectivité qui met cela en place, et qui affiche des valeurs d’égalité et de féminisme”.
Une diffusion encore trop restreinte
Les syndicats ont salué la mise en place de ce dispositif. S’il permet de mettre le sujet dans le débat public, certains regrettent la lenteur de sa diffusion. “Il faudrait que ce soit un sujet du dialogue social ; que dans chaque instance et entreprise, il y ait des discussions internes pour en définir les modalités”, souligne Jean-Luc Rué, membre CFDT du Comité Régional d'Orientation des Conditions de Travail du Grand Est (CROCT).
En mars 2023, la CGT disait vouloir aller encore plus loin, et revendique “un droit reconnu à hauteur de 20 jours par an sans justificatif médical, sans jour de carence, ni délai pour toutes les femmes et personnes menstruées qui en ont besoin”.
Paul Ripert
Edité par Fanny Lardillier