Alors qu’il est en train de faire son retour en Allemagne et qu’il est solidement implanté dans le Jura, le lynx n’arrive pas à s’installer dans les Vosges françaises.
Mala, lynx femelle de 8 ans, a été relâchée le 5 février dans la forêt autour de Kaiserslautern (Allemagne). C’est le quatorzième individu à être introduit dans cette région depuis 2015. Côté français, le félin reste pourtant désespérément introuvable dans les forêts vosgiennes. Seuls quatre ou cinq lynx y sont établis, mais leurs chances de survie à long terme sont maigres. En-dessous d’une dizaine d’individus, il est impossible qu’une population perdure.
Vu comme un concurrent par les chasseurs
Présente en masse dans la région jusqu’au XVIIIe siècle, la population de lynx s’est progressivement effondrée. La tentative de réintroduction menée dans les années 1980 a été un échec : la plupart des 20 lynx relâchés sont morts très rapidement, les survivants n’ont pas réussi à s’implanter durablement.
«Le projet avait été lancé dans de mauvaises conditions, affirme Christelle Scheid, chargée de l’information pour le projet actuellement mené en Allemagne. Il y avait trop peu d’individus, et surtout trop peu de femelles. Certains avaient grandi dans des zoos ou des parcs animaliers et n’étaient pas adaptés à la vie sauvage. En plus de ça, les chasseurs n’avaient ni été consultés, ni informés.»
S’ils meurent souvent de maladie ou percutés par des voitures, les lynx sont en effet pris pour cible par les chasseurs malgré leur statut d’espèce menacée. Le félin est friand de chevreuils, ce qui conduit certains chasseurs à le considérer comme un concurrent.
«La réintroduction est impossible si tout le monde ne joue pas le jeu, déplore Roland Gissinger, président de l’Anab (Association nature Alsace bossue). Il faut que les chasseurs acceptent d’abandonner quelques chevreuils, mais il faut aussi arrêter de baisser les effectifs de garde-chasse. S’il n’y a personne pour faire respecter la loi, les gens font ce qu’ils veulent.»
«Personne n’a peur du lynx, c’est le lynx qui a peur de l’homme»
S’il n’arrive pas à s’implanter dans les Vosges, le lynx est en revanche bien présent plus au sud, dans le Jura. 100 à 150 individus y résident depuis sa réintroduction réussie en Suisse dans les années 1980. «La Suisse a mieux fait les choses, reconnaît Christelle Scheid. Il y a une meilleure relation avec les chasseurs, parce qu’ils sont plus sensibilisés et plus impliqués dans le processus de réintroduction.»
Contrairement au loup et à l’ours, dont les réintroductions ailleurs en France sont contestées, le lynx n’est pas loin de faire l’unanimité. Les attaques de troupeaux sont rares, celles d’humains inexistantes, et le félin exerce une certaine fascination. «Personne n’a peur du lynx, c’est le lynx qui a peur de l’homme», tranche Roland Gissinger.
Tom Vergez