Jean Schmittbuhl, responsable d'un projet en géothermie co-financé par des partenaires industriels. Crédit: Philipp Reichert/CUEJ
Avec un budget déficitaire, l'université de Strasbourg est contrainte de trouver de nouveaux moyens de financement. Les partenariats avec l'industrie, renforcés depuis quelques années, sont des sources importantes - mais uniquement dans des domaines spécifiques.
Un million d'euros. Tel est le montant que la Fondation de l'université de Strasbourg a reçu dans le mois de février de la part de la société Roche France, qui veut développer un mécénat. Le million d'euros est dédié aux recherches en « médecine personnalisée ». Selon Patrick Llerena, directeur de la fondation, il s'agit d'un « protocole thérapeutique adapté à chaque patient ». En fait, le terme a été inventé par Roche France dans les années 90 pour parler des sciences génétiques. C'est le premier don de la société pharmacologique; il fait partie des 20 millions d'euros que l'Université de Strasbourg cherche à récolter d'ici à la fin de l'année.
Depuis l'adoption de la Loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) en 2007, les campagnes de levée de fonds sont un moyen favorisé par les universités pour augmenter leurs budgets. Les fondations universitaires sont certes légales depuis 1968, mais la défiscalisation des dons a rendu les prestations plus attractives pour les donateurs.
Effectivement, l'université de Strasbourg a grand besoin des nouvelles sources de financement. En janvier, il avait été annoncé que le budget universitaire serait déficitaire de 4 millions d'euros. Les composantes universitaires ont alors dû amputer leurs budgets de 20 %. Les partenariats avec les sociétés industrielles n'en sont pas qu'une goutte d'eau dans la mer, surtout qu'ils soutiennent principalement les domaines intéressants pour l'industrie, tels que les sciences naturelles, la médecine et la pharmacologie.
« 98% des dons obtenus proviennent des entreprises, dont 7 millions des entreprises alsaciennes », précise Patrick Llerena, ce que confirme le rapport d'activité de 2012. Interrogé sur l'altruisme des donateurs industriels, Patrick Llerena affirme :
« Il s'agit de dons. Il n'y a pas de contreparties. » Mais il n'y a pas de soutien sans une récompense, aussi subtile soit-elle. « Il faut néanmoins une certaine reconnaissance en forme d'une sorte de publicité. » Si le budget total de l'université de Strasbourg s'élève à environ 600 millions d'euros, seuls 4 millions d'euros auraient été accumulés par des dons en 2013.
La majorité des dons est dédiée à des projets de formation et recherche, par exemple à l'école-usine unique en Europe (EASE) pour la chaîne de production, notamment des produits de santé. Jean-Marc Jeltsch est vice-président du service de valorisation de l'Unistra et responsable du projet: « Nous offrirons aux étudiants une formation en suivi, mise en œuvre, règles de protection dans une chaîne de production », explique-t-il. Le commencement n'est prévu que pour 2016. Le donateur qui a permis cette nouvelle formation n'est autre que le laboratoire pharmaceutique Lilly France. Interrogé sur le montant du don, M. Jeltsch ne veut pas donner dans les détails par « respect pour le donateur ».
Autre exemple à Strasbourg: le LabEx G-EAU-THERMIE PROFONDE, qui explore le potentiel en énergie géothermiques du Fossé rhénan supérieur. Ce projet reçoit depuis 2012 environ 3 millions d'euros de dotation par l'Etat et est d'ailleurs soutenu avec presque 2 millions d'euros par deux grandes entreprises: Groupe Electricité Strasbourg, et G.E.I.E. Exploitation Minière de la Chaleur. Les partenaires industriels couvrent « les côuts marginaux du projet et mettent aussi à disposition une partie de son personnel », explique Jean Schmittbuhl, responsable du projet et directeur de recherche CNRS. Le scientifique est convaincu que cela ne pose aucun problème concernant l'indépendance de ses recherches: « On ne travaille pas dans un esprit où l'université est un sous-traitant de ses partennaires industriels. Si on arrive à fonctionner en respect mutuel, je trouve que c'est gagnant-gagnant pour tout le monde. »
Philipp Reichert