« On ne fait que du prélèvement à la source depuis début janvier », témoigne Corinne Kindman, contrôleuse au centre de gestion des impôts des particuliers à Illkirch. Avant l’arrivée du prélèvement à la source le centre accueillait une vingtaine de personnes le lundi, désormais c’est "un jour de folie, on a 80 à 90 personnes ». De quoi pousser à l’épuisement et provoquer une grève entraînant la fermeture de huit centres des Finances publiques dans le Bas-Rhin.
Suppressions d’emplois, réorganisation territoriale floue, prime de 200€ limitée à certains employés… les causes de la colère sont nombreuses mais c’est surtout le prélèvement à la source qui est à l’origine de la dégradation des conditions de travail.
« Les gens sont perdus, alors on explique et réexplique le fonctionnement du système de prélèvement à la source », poursuit l’agente syndicaliste Solidaires. Les explications au cas par cas peuvent prendre jusqu’à 30 minutes par contribuable. Dans les coulisses la hiérarchie fait pression pour que la prise en charge soit faite en dix minutes. « Nous on a envie que les gens repartent en ayant eu toutes les explications et les réponses à leurs questions. Mais ça prend du temps. »
Charge morale et insultes
La salle d’attente est régulièrement remplie à l’heure de la fermeture, les agents et agentes d’accueil restent en heures supplémentaires. Le personnel de bureau vient en renfort jusqu’à ce que chaque contribuable ait obtenu les informations recherchées. Dans ce centre un roulement est organisé entre neuf employés pour prendre en charge l’accueil des particuliers. Corinne Kindman est en moyenne trois demi-journées au guichet par semaine.
Outre la charge de travail accrue, une charge morale pèse sur le personnel d’accueil. « Vu le contexte, les usagers sont parfois remontés. Au téléphone ou à l’accueil physique, ça arrive que l’on se fasse insulter. » Dans ces cas là, Corinne Kindman ou ses collègues établissent une fiche de signalement pouvant mener à des sanctions pour le contribuable. Mais du côté du soutien moral, la hiérarchie n’aide pas beaucoup et le médecin n’est là qu’à temps partiel. « On se soutient mutuellement entre collègues et avec le chef de service qui, à Illkirch, est assez présent. » Elle décrit une grande fatigue physique et morale dans son service d’accueil. « Je comprends que les gens soient énervés, souvent ils s’excusent et savent que nous ne sommes responsables de rien mais c’est nous qui encaissons. » Encaisser le ras-le-bol des contribuables mais aussi écouter et conseiller un public parfois en grande précarité.
Ecœurés par la communication du gouvernement
La syndicaliste d’Illkirch et ses collègues ne regardent plus les informations. « Ça nous écœure de voir que le gouvernement prétend que tout se passe bien dans les centres d’impôts, que l’arrivée du prélèvement à la source se déroule sans problème. »
« Aujourd’hui 150 à 200 agents font grève pour protester contre la dégradation de leurs conditions de travail », détaille Christine Helstroffer, secrétaire du syndicat Solidaires Finances Publiques 67.
Dans ce service d’accueil des particuliers neuf agents sur neuf font grève ce jeudi. Et les salles d’attente vont rester combles dans les mois à venir avec l’arrivée des contentieux liés au taux de prélèvement à la source, « d’ici deux à trois mois ». « Ça va être une année difficile, très difficile », conclut Corinne Kindman.
Juliette Vilrobe