Abd al Malik tournera son premier film en juin dans son quartier d'origine : le Neuhof. Un casting est organisé au Centre socio-culturel du quartier pour recruter des habitants. Belle initiative, mais attention, c'est un secret.
L'information était placardée sur toutes les portes du Neuhof depuis plusieurs jours : Abd al Malik de retour pour organiser un grand casting de proximité au Centre socio-culturel (CSC) du quartier. Le chanteur/slameur/écrivain/penseur/sociologue expert ès banlieue et bientôt réalisateur va adapter son autobiographie sur grand écran. Vous êtes du quartier ? De 16 à 55 ans ? Acteurs en herbe, fatigué de la morne vie neuhofoise, ceci est VOTRE chance. Abd al Malik a besoin de vous !
Mais chut ! N'en parlez surtout pas aux médias. Le plan de com' ne sera pas lancé avant juin. Et on ne va pas commencer à laisser ces casseurs d'ambiance de journalistes saboter l'orchestration du retour de l'enfant prodige.
Manque de chance, l'info a fuité. StrasTV relate l'organisation du casting. Dans la rédaction de Cuej.info, on aime bien l'idée de faire participer les habitants et les entreprises du coin au projet, du casting à la technique. Essayer d'avoir un réel impact économique sur le quartier. Reportage ? Reportage.
Le centre socio-culturel est prêté pour l'occasion, pour plus d'informations, voir la boite de production parisienne. Celle-là même qui aurait préféré faire sans les journalistes.
Joindre Abd Al Malik ? Pas de problème, contactez son manageur. Depuis Gibraltar, l'affable Abd al Malik, très sollicité, s'est adjoint les services de l'omniscient Fabien Coste, l'homme à l'origine du médiatique clash Ben Harfa/Abd al Malik. Et pour joindre Fabien Coste ? Ah, là, c'est une autre paire de manches... Remuez ciel et terre, « on fera suivre votre mail » répond-on chez le tourneur.
« Regardez y a des journalistes ! »
Bon clairement, on n'est pas les bienvenus, mais rien n'empêche de faire un tour au CSC, discuter avec les candidats. Devant la salle ils sont quatre et se racontent volontiers. Abd al Malik est une figure qu'on respecte. Certes, « ce n'était pas tant un dur dans le quartier », « en tout cas, rien à voir avec la nouvelle génération ». « Des kamikazes », on vous dit. Et puis, lui a réussi à se barrer et faire quelque chose de sa vie. Alors le film, pour eux, ce serait « la possibilité de quitter le Neuhof » et s'offrir un avenir un peu moins cloisonné.
Cliché ? Oui. Mais en même temps, vous vous attendiez à quoi?
Une porte s'ouvre, au suivant. « Regardez, y a des journalistes ! », s'enthousiasme un de nos interlocuteurs. Oups... C'est avec une politesse aussi tactile que virile qu'on nous enjoint à regagner la sortie. « Tout de suite ». Par contre en juin, pas de problème, assister au tournage, interviewer les acteurs, « tout ce que vous voudrez ».
Mais bon, si on commence à sortir l'histoire maintenant, quid du grand ramdam' de juin ? Faut dire que le dernier album d'Abd al Malik n'a pas franchement fait un carton, alors ce n'est pas le moment de tout gâcher avec nos velléités d'information.
Dommage, on ne saura pas comment ça s'est passé pour nos acolytes.
Pour avoir son nom au générique, la dernière fenêtre de tir, c'est vendredi après-midi. Enfin pour nous, c'est cramé.
Lorraine Kihl et Quentin Thomas