Le Comité national contre le tabagisme a appelé à interdire les arômes autres que celui du tabac pour les produits destinés à la cigarette électronique. À Strasbourg, plusieurs anciens fumeurs, désormais "vapoteurs", y sont opposés par crainte de rechuter.
Est-ce la fin des effluves à la barbe à papa ? Le Comité national contre le tabagisme (CNCT) a publié, le 13 février, une étude menée pendant trois ans et réclame l’interdiction des arômes dans tous les dispositifs qui contiennent de la nicotine, hormis le goût "tabac". Dans son viseur, les mineurs et les jeunes qui sont davantage séduits par la multiplication des produits dérivés du marché de la cigarette électronique, comme la "puff", une e-cigarette jetable.
Du côté des anciens fumeurs, l’inquiétude grandit elle aussi. À Strasbourg, Kosma Aubry, 24 ans, vapote depuis trois ans. Il a tenté, à plusieurs reprises, d’arrêter la cigarette. « J’ai commencé à fumer à 17 ans, donc je peux comprendre qu’on ne veuille pas que des mineurs soient initiés à la nicotine ou même à la cigarette électronique », confie-t-il entre deux nuages de vapeur. « Mais je crains de rechuter si cette interdiction était appliquée. Je vapote avec un arôme fraise, car je n’aime pas le goût tabac. »
Un constat partagé par Sarah Zajtmann, une pianiste de 26 ans. « S’il n’y avait pas eu les arômes fruités, je n’aurais jamais pu arrêter de fumer, estime-t-elle en vapotant devant l’Opéra national du Rhin. Si ces produits sont interdits, je pourrais être tentée de reprendre la clope. »
Le sevrage impossible sans arômes ?
Après avoir arrêté de fumer il y a quatre ans, elle est désormais adepte des produits aromatisés aux goûts de tarte au citron meringuée, banane flambée, cookie et même lait fraise. « Ce qui a été efficace, c’est de ne pas avoir ce faux arôme de tabac, qui est d’ailleurs immonde. Ça permet de casser l’habitude du goût de la cigarette classique », affirme la jeune musicienne. « Il serait plus efficace d’interdire la "puff", cette cigarette électronique à usage unique et jetable qui est une aberration écologique et très prisée des mineurs. »
Jules Darwich, son compagnon, est du même avis. « J’aimerais savoir si ces arômes, autres que celui du tabac, incitent véritablement les mineurs à vapoter », s’étonne-t-il en rangeant sa cigarette électronique dans son manteau. Après avoir fumé pendant cinq ans, ce pianiste strasbourgeois s’est tourné vers la cigarette électronique en 2018 et ne la quitte plus depuis. « Je ne pense pas que je retournerai vers la cigarette, même si les arômes sont interdits. Toutefois, je pense que cela peut décourager des fumeurs à se sevrer grâce au vapotage », déplore-t-il.
Les professionnels de la vape sous le "choc"
D’après le rapport de la CNCT, les entreprises commercialisant des arômes de vapotage préfèrent accentuer la dimension récréative de leurs produits plutôt que d’avertir sur leur caractère addictif. Le comité souligne qu’ils participent à la « normalisation » de la consommation de nicotine, une substance qui crée une dépendance et peut être toxique si elle est absorbée à hautes doses.
La recommandation du comité a fait l’effet d’un « choc » pour la Fédération interprofessionnelle de la vape (Fivape), qui estime, dans une interview accordée à France Info, que les « cigarettes aromatisées sont utiles pour arrêter de fumer » et que l’interdiction menacerait aussi les commerces spécialisés dans la « e-cigarette ».
Si l’interdiction réclamée par la CNCT entrait en vigueur, la France deviendrait le troisième pays de l’Union européenne à appliquer cette réglementation. Le Danemark et les Pays-Bas ont récemment prohibé les arômes autre que celui du tabac pour les cigarettes électroniques.
Joffray Vasseur
Édité par Luca Salvatore