Le groupe de musique strasbourgeois a voulu couper court au débat lancé par le Cran. S'il rejette toute référence au "blackface", le trio a néanmoins présenté ses excuses et a annulé son premier concert parisien. Il sera ce mercredi sur scène à Strasbourg.
Rivers series, pour Polaroid3. Crédit: Philippe Savoir
Tout est parti de la vidéo mise en ligne le 14 décembre dernier, par les Strasbourgeois de Polaroid3, pour la sortie de leur premier album, Rivers. On y voit la chanteuse, Christine Clément, avancer dans les neiges vosgiennes, entourée des deux autres membres du groupe Christophe Imbs et Francesco Rees. Ces derniers ont le visage maquillé en noir et parfois recouvert d'un masque d'ours au style enfantin. Le tout dans une ambiance trip-hop aux envolées autant mélodiques qu'oniriques. Néanmoins, à quelques jours du premier concert parisien du groupe et de la sortie leur premier album, la polémique a explosé.
Une caricature raciste, selon le Conseil représentatif des associations noires (Cran), a lancé la polémique, à seulement quelques jours du premier concert parisien de Polaroid3. Dans un communiqué publié samedi 18 février sur son site, le Cran dénonce "le visuel choquant" de ces "images de blancs grimés en noir, ce qui est le principe même du blackface", technique théatrale popularisée aux Etats-Unis au XIXe siècle et usant de stéréotypes racistes et colonialistes. Le Cran précise dans le même document que la vidéo lui a été signalée "par des internautes et des lanceurs d'alerte". On retrouve en effet dans les commentaires Youtube du clip certains messages qui dénoncent un "racisme décomplexé". D'autres y voient un clin d'œil aux "traditions carnavalesques européennes".
Les musiciens se sont immédiatement défendus d'avoir "aucune intention raciste". "Pour nous, il est question dans ce clip d'un imaginaire onirique, de Nature et d'un travail esthétique sur les couleurs" a précisé le trio strasbourgeois via sa page Facebook. Trop tard, le "bad buzz" était lançé. Et malgré les excuses de Polaroid3, il a gonflé jusqu'à les contraindre à annuler le concert prévu le 17 février à Paris pour le lancement de leur album.
Si le Cran se targue d'avoir obtenu "gain de cause", la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) du Bas-Rhin ne soutient pas cette position qu'elle estime "exagérée". Selon sa présidente Fabielle Angel, citée par France Bleu Alsace, "il n'y a rien de raciste dans ce clip". Le réalisateur de la vidéo, photographe et designer Philippe Savoir se dit "atterré et affligé". "Ce n'est pas parce qu'on utilise du maquillage noir avec trois bouts de raphia qu'on fait allusion à l'Afrique", se défend-t-il. Dans ses œuvres photographiques comme vidéographiques, Philippe Savoir utilise la couleur comme un masque. Il prépare en ce moment un recueil de photographies réalisé à partir d'une série de six couleurs. Il travaille depuis cinq ans avec les Strasbourgeois de Polaroid3. Lors d'une précédente collaboration, c'est tout de bleu que la chanteuse était recouverte. "Je suis là pour les nourrir, leur proposer des ambiances et épauler la musique", précise-t-il.
Sabzskin series From Sitons project. Crédit: Philippe Savoir
Philippe Savoir dénonce "une lecture personnelle du clip", érigée en "cheval de bataille par le Cran et qui instrumentalise un groupe de musique afin de promouvoir ses idées". Et de préciser: "je trouve le fond de leur combat respectable, mais la forme beaucoup moins."
Le concert prévu ce mercredi 22 février au Camionneur est lui maintenu.
Joris Bolomey